10 août 2009

Chronique 15

Comme je le craignais, Old n’a pas attendu l’aurore pour ouvrir les hostilités...

« Tiens, tiens, tiens... Mais c’est l’frangin et sa meute de chiots... Alors on a perdu son chemin ? Au cas où tu l’aurais pas r’marqué, t’es à Moriok gamin. Ici ya pas d’bac à sable ni d’ balançoire mais des rues sombres, de vrais coupe gorges. Si tu veux jouer aux méchants, j’te conseille le nord, tu pourras faire illusion auprès des gentils farfadets. Faut pas fricoter avec les démons quand on n’en est pas un, c’est dangereux. Pis j’voudrais pas avoir à consoler mame s’il t’arrivait malheur. »

Le chef a saisi le manche de sa pelle. Eternia a posé sa main sur la sienne pour retenir son élan.
« Il n’en vaut pas la peine ! Ignore-le. »
Hastur a poussé un grognement de frustration, il a regardé sa femme d’un air suppliant, comme un fauve en cage.
« Non mon mari, ce n’est vraiment pas une solution crois-moi. »
« A c’que j’vois c’est toujours ta matrone qui commande ! Même pas foutu d’se faire respecter par sa femelle... T’aurais du m’écouter la nuit d’vos noces, une bonne trempe pour annoncer les règles et elle lècherait ta gamelle à l’heure qu’il est ! »
« Bordel s’en est trop ! C’est ma pelle que tu vas lécher !!! »

Le vieux s’est levé sans prévenir, Eternia a crié un non inutile, Old a sorti sa hache et les fers se sont croisés. Immobile, chacun pesant de tout son poids sur son arme pour faire flancher l’autre, les frangins se dévisageaient avec haine. Leurs pupilles grises ne lançaient pas d’éclairs mais une lueur glacée à vous dresser le poil. La taverne du Mort n’a jamais mieux porté son noms qu’à cet instant, plus personne ne pipait mot. Bien sur, cet arrêt sur image serait de courte durée, les statues de cire que nous étions finiraient par fondre pour laisser place à des corps déchainés et à une rixe d’envergure. J’ai redouté l’étincelle provocatrice du brasier, Hastur ne parviendrait pas à prendre le dessus et les mercenaires d’Old auraient vite fait de nous tailler en pièce pour décorer l’endroit de confettis rouge sang si nous tentions d’intervenir. Le vieux pensait sans doute la même chose mais il était trop tard pour reculer. La moindre retraite lui aurait valu le discrédit auprès des gars de la guilde.
J’ai beau être comme tout le monde, à râler après mes supérieurs, à les considérer comme des planqués à l’abri de toute galère, le pouvoir accordé aux dirigeants, je le sais, nécessite une sacré dose de force morale, puis, ça doit vous pourrir la vie d’être la cible préférée des sarcasmes et des critiques... Finalement, chaque homme se voit contraint de faire une pelletée de concessions, ya pas d’ destinée exempte d’emmerdes... Et tout ca pour quoi ? Pour crever. C’est à se demander si les dieux étaient pas bourrés le jour où ils nous ont inventés !

Debout dans un coin de la taverne, j’ai mis à contribution toutes les cellules grises dont m’avait dotée la nature pour imaginer un moyen de nous sortir de ce pétrin. Faut croire qu’elles étaient moins valables que mon amour propre l’aurait voulu car j’ai rien trouvé.

Les bras du chef ont commencé à trembler, Old a esquissé un sourire de victoire avant de relâcher sa prise pour donner un coup d’estoc...

A cet instant vous vous dites un truc du genre « Meeerde, le vieux a du déguster ! » ou « Ho putain non pas lui ! »... Bah, vous savez ya pas plus inventive qu’la vie pour créer des scénarios à rebondissement...

Alors que la hache d’Old s’élevait pour fendre le crâne de notre chef, une petite voix nasillarde s’est fait entendre, interrompant le mouvement.

« Monsieur Grine, monsieur Grine, dois-je vous rappeler qu’en vertu du traité de Natre ratifié lors de la convention Aerla, traité qui réunissait tous les mercenaires du royaume, vous y compris, il est interdit, sauf provocation nuisible à votre santé de, je cite "blesser, empoisonner, égorger, bruler, écarteler ou toutes autres fariboles susceptibles d’abréger la vie des personnes combattant Borgom jusqu’au trépas de ce dernier." Paragraphe 61 alinéa 3. Cette réglementation, je vous le rappelle, a pour but de garder une force de frappe suffisante face aux borgs. Je me vois donc dans l’obligation d’intervenir et de vous demander d’abaisser votre arme. »

« Pff, c’est pas un guerrier ! C’est un vieux débris aux ordres d’une bonne femme ! J’vois pas en quoi il peut être utile dans la guerre contre Bo ! »

Je me suis mise sur la pointe des pieds pour tenter de voir le type, en vain. Qui que ce soit, c’était pas un géant.

« Monsieur Grine, monsieur Grine, je réitère ma requête, veuillez cesser sur le champ cette animosité à l’encontre de votre adversaire. Paragraphe 1458 alinéa 22, "Tout jugement hâtif, je cite, visant à discréditer la valeur d’un combattant afin de lui faire la nique ou d’assouvir une quelconque vengeance est répréhensible. Le mercenaire responsable d’un tel débordement devra répondre de ses actes et encourra le cas échéant une sanction à la mesure de la faute sus nommée." Monsieur Grine, je sais combien cela vous coute de ne plus égorger à tout va mais j’ajouterai ceci, paragraphe 3102, alinéa 899, je cite "Ce traité poursuit un seul et unique objectif, sortir victorieux du conflit qui s’annonce." Soyez assuré que si nous survivons à cette époque de tourmente, chacun ici présent pourra à loisir reprendre ses activité illégales voir immorales en toute impunité et ce dans la seconde qui suivra le dernier souffle de Borgom. Je vous enjoins donc de faire appel à votre patience. »

Je me suis faufilée entre les clients du bar pour voir quel genre de type était assez cinglé pour s’interposer entre deux guerriers sur le point de s’étriper. Arrivée à hauteur de Krikcet j’ai découvert un xal.

Petite parenthèse à propos des xals. Un peuple méconnu qui mérite quelques lignes. Tout d’abord, pour ceux qui douteraient encore de leur humanité, je répondrai sans hésiter qu’ils sont tout aussi humains que vous et moi. La rumeur affirmant qu’il s’agit d’une race de gnomes a servi durant des siècles d’alibi aux esclavagistes pour éviter de froisser leur conscience, mais pas besoin d’être anthropologue pour y voir un ramassis d’ conneries. A l’origine leur territoire s’étendait d’un bout à l’autre des marais de Zuly. Cinq siècles de colonisations ont permis d’annexer cette région et il n’existe plus à proprement parler de royaume xalien. Bien que l’esclavage soit aboli dans les contrées du nord depuis longtemps, il est rare de croiser un xal travaillant à son propre compte. Les royaumes Tyndaniens, dans leur grande mansuétude ont brisé les chaines de la servitude en omettant d’offrir à leurs anciens esclaves de quoi prendre un nouveau départ. Loué soit l’homme pour sa grande générosité ! On trouve toutefois quelques xals de grande renommée, brillants sur les champs de bataille et redoutés pour leur talent d’hypnose. Le plus célèbre d’entre eux étant Alzirah ; une magicienne capable d’hypnotiser un lapin pour qu’il agresse un ogre. Enfin pour conclure, un petit conseil : Ne faites jamais l’erreur de confondre un honurion et un xal, il vous en couterait un mauvais souvenir accompagné de quelques contusions. L’honurion est à ranger dans la catégorie des nains, le xal dans celle des lilliputiens. Le premier peut atteindre les un mètre soixante, le deuxième ne dépasse jamais les un mètre vingt.

Bien revenons à cette nuit de folie...
« Bordel mais t’es qui ? » A craché le vieux en dévisageant le xal.
« Adéus Xelos, comptable. Je gère les biens de votre frère depuis deux ans. »
« Ses biens ? »
« Exactement. Un mercenaire de la trempe de monsieur Grine avait toutes les chances de voir sa fortune faite en peu de temps ! Toute-fois, gagner ou voler de l’argent est une chose, le faire fructifier en est une autre et c’est là que j’interviens. Nous avons investi dans l’immobilier, plus précisément le quartier ouest de Moriok, un quartier des plus chics, vous en conviendrez. Votre frère possède à l’heure actuelle une vingtaine de maisons qui lui rapportent un joli pécule. Je dois admettre que la guerre a du bon, les prix des loyers flambent et la demande ne désemplit pas ! Vous-même, avez-vous des biens matériels ? »

Le vieux a fait son regard de sirène frite.
« Heu non. »
Le xal a rajusté ses lunettes rondes, lissé ses cheveux gominés en prenant soin de ne pas toucher sa raie d’une perfection flippante et plongé sa main dans la poche de son gilet pour en sortir une petite carte.
« Si vous êtes intéressé par un éventuel partenariat, voici mon adresse. Je suis souvent en déplacement mais ma mère vit chez moi, elle sait comment me contacter. »

« Non mais tu comptes pas bosser pour ce raté ! Cette mauviette décrépite ! Ce mendiant infesté d’puces ! Cette tache qui souille mon paysage !!!! Furoncle ! Momie cramoisie ! Pétomane empressé ! Babouin sénile ! Ramolli d’la tronche ! »

Faut l’ reconnaitre Old a toujours eu une inspiration prolifique dès qu’il s’agit d’injures...

« Allons monsieur Grine, pas de jalousie mal placée. Les règles ont été claires dès le début de notre collaboration ! Le profit, voila le seul contrat que j’honore. »

« Pfff, j’préfère pas être au courant, ça va m’donner la gerbe ! »
Il s’est dirigé vers une table à l’autre bout de la pièce en gueulant « Tavernier t’as trois s’condes pour ram’ner ton cul et prendre commande ! Sinon j’crame ce taudis qui t’sert d’auberge ! »

Le xal a fait une courbette à l’attention d’Eternia et d’Hastur.
« Pour la bonne suite des événements, il semble préférable que je le suive. Au plaisir. Madame, monsieur. »

Arrivé à ma hauteur, il s’est arrêté comme foudroyé. Sur le coup j’ai pas compris, mais très vite j’ai senti monter en moi les affres du ridicule...

« Madame, si j’osais, je vous dirais que nul visage avant le vôtre n’a su animer la flamme qui sommeille dans mon cœur solitaire. Vous êtes une étoile au milieu du néant. Une fleur miroitante au cœur du désert. La source où je désire dès à présent m’abreuver et ce jusqu’à ma dernière heure. »

J’ai entendu pouffer derrière moi, c’était les trois cousins, Kricket et Keelow. J’les aurais volontiers étripés. Le xal a poursuivi, histoire d’offrir aux gars de la guilde assez de matière pour se foutre de ma gueule dans les siècles à venir !

« Pourrais-je vous offrir une coupe de champagne des landes ? Il y a un clair de lune d’une douceur exquise et j’aurais plaisir à me promener en votre compagnie sous la voute céleste qui resplendit en l’honneur de votre beauté. »

J’ai surpris dans l’embrasure de la porte les amoureux qui me lançaient des clins d’œil complices ! Bon sang ! Que quelqu’un me vienne en aide !!!!

« Monsieur Xelos, cette femme porte le deuil de son mari mort hier. Je crains qu’elle ne puisse répondre à votre requête. »

MERCI ETERNIA !

« Soit... Je saurai être patient car l’attente n’est jamais vaine lorsque la récompense se trouve être la somme de la perfection et du bonheur. »

Le saligot m’a fait un baisemain !

20 juil. 2009

Chronique 14

Le guerrier ne s’encombre pas du chagrin des départs, il laisse à la veuve et à son orphelin le choix des larmes et des regrets. Tant de femmes ont vu leur amour se briser contre des armures d’indifférence édifiées aux cours des batailles. Dans chaque port, dans chaque cité, des enfants rêvent du retour d’un père parti avant leur naissance. Une attente souvent vaine. Avoir pour compagnon de route le danger et la cruauté endurcit les cœurs jusqu’à les rendre insensibles aux adieux. Il n’y a pas d’autre alternative. En temps de guerre, la moindre faiblesse peut s’avérer fatale, la moindre hésitation... Tuer nécessite un esprit vide dans un corps alerte. Il faut apprendre à reléguer dans une chambre capitonnée la moindre émotion, à regarder ses victimes comme des proies sans valeur. De la chair et des os bons pour nourrir les charognes qui ferment la marche, rien de plus. Sinon comment pourrions nous tuer ? L’homme ne nait pas meurtrier, il le devient à coup de trahisons, de mensonges et de taloches.

Pourquoi je me répands dans ces élucubrations philosoporifiques ? Sans doute pour me convaincre d’ignorer ma douleur... Je m’appelle Eriaka, scribe à ses heures mais avant tout guerrier endurci ! Ecce-Deus n’était pas mon premier mari, il y eut le lutteur Dark-Illusion, un mâle comme on aime en avoir dans son lit, invalide de la rhétorique mais expert pour les travaux manuels. Il savait m’entrainer dans des ébats immodérés qu’une femme mariée peut rarement prétendre connaitre. Bien sur en tant qu’homme (j’entends par là un mâle au sexe saillant) il était loin d’être parfait. La galanterie n’était pas son fort, pas du genre à soulever le rabat de la tente pour vous céder le passage où vous débarrasser de paquets trop lourds. Les seules fleurs qu’il ramenait étaient celles empoisonnées, utilisé pour imbiber la pointe de ses dagues.
« Les femmes veulent l’égalité ? On leur donne, ainsi qu’ tout l’merdier qui va de pair ! » C’était sa devise.
Perso ça me gênait pas. Il pouvait bien agacer mon ouïe avec ses propos réactionnaires où encore mon odorat avec sa manie de transpirer comme un sagouin, le reste de mes sens était comblé... Il n’est pas mort, je l’ai quitté pour Ecce. Ce dernier avait usé de ses charmes sur moi et j’étais tombée sous son emprise comme une abeille dans un pot de miel. Aujourd’hui le seul charme que je pouvais espérer de mon minou était un sourire carnassier et un regard vide. Quel gâchis ! Je l’aimais, comme peut aimer une femme rompue aux vices du combat.

Le soir des obsèques, les tavernes ont vibré du chant des guerriers. Pas un homme n’a fait défaut à cette coutume ancestrale. Depuis toujours, les survivants boivent en l’honneur de leur destin dont la fortune a su tromper la mort. Ironie du sort, beaucoup poussent jusqu’à l’ivresse ce rituel pour finir dans un coma fatal. L’alcool se déverse dans l’estomac en flot continu, les rixes se succèdent et les putains s’affairent à satisfaire tout le monde.

Notre guilde avait choisi la taverne du Mort. Un établissement crasseux mais qui garantissait, si nécessaire, un repli rapide pour les Tyndaliens de la guilde du fait de sa situation excentrée. La trêve entre les deux cités demeurait maintenue d’après le mage Olk, mais la prudence était de mise durant cette nuit d’excès et de folie.

Les trois cousins Manfriine, Romuluss et Gurre avaient déjà atteint un taux d’alcoolémie fatal pour toute personne normalement constituée. Chez eux les effets secondaires se cantonnaient à une démarche chaloupée et une élocution chaotique faite d’onomatopées.
« Raaaaa.... bzzzzz... York ! Neuuuu. Hooooo ? Hm hm hm. » A peu de choses près c’était ça. Ils enfilaient les bières comme une enfant enfile des perles et pariaient leurs soldes sur Kricket et Keelow. Depuis deux heures, les lutteurs, malgré la vilaine entaille de Kricket, enchainaient les bras de fer en prenant soin d’aplatir la main du perdant sur des débris de verre. Glauque me direz-vous ? Normal je vous répondrai pour des lutteurs.

Plus loin, le moustique et le buffle sirotaient à la paille une gnole douteuse dans laquelle flottait un ver aux vertus hallucinatoires. Une spécialité de la maison qu’eux seuls avaient voulu gouter. Le patron n’avait semble-t-il pas menti car les deux lascars par moment se mettaient à caqueter en agitant vivement leur bras pour s’envoler. Les lois de la nature étant ce qu’elles sont, leur échec s’ensuivait d’un « Coyt Coyt ! Quelqu’un m’a plumé ! Coyyyyyt !!! »

Au fond de la salle, à l’abri des regards, le chef et sa femme surveillaient d’un œil vitreux leurs ouailles, c'est-à-dire nous, tout en dégustant un cocktail dont seule Eternia avait le secret. Drata et Rando, boudaient devant leur limonade, unique boisson autorisé par leur oncle.

Accoudé au comptoir, un verre de vinasse à peine entamé, Loistic se répandait en élucubrations scientistes devant un auditoire pour le moins inattentif. Son élève Popy, entre deux traductions, plongeait goulument ses lèvres dans une pinte de bière plus grosse que le mamelon d’une ogresse, et en ressortait une barbe de grand-père fraichement moussée.

Sur la terrasse les amoureux Senseï et Iberia s’amusaient à « viens boire dans mon gosier ». Un jeu de leur cru... Senseï prenait une gorgée de pinakoalak puis abreuvait sa compagne en l’embrassant passionnément et inversement. Quand ils étaient fatigués de boire, les amoureux se dévoraient des yeux en se murmurant « Je t’ai déjà dit je t’aime ? » « Non. » « Je t’aime... » « Ça tombe bien moi aussi... » S’ensuivait une série de caresses et de baisers à rendre jaloux le plus endurci des célibataires. Le romantisme c’est pas mon truc mais j’dois admettre qu’ils défendaient drôlement bien les vertus d’ la sensibilité.

Aurel quant à lui s’la jouait pacha. Depuis qu’il était passé maitre soigneur les infirmières de la guilde, Piouz, Advilla et Snios papillonnaient des paupières dès qu’il se mettait à fredonner. Affalé sur un gros pouf, il se laissait aller entre les doigts experts qui lui massaient la tête à tour de rôle. Elles se chamaillaient lorsque l’une d’elle monopolisait trop longtemps la tignasse blonde de leur idole.
« Allons, allons mesdemoiselles, nous avons la nuit devant nous... Ce matin, 3000 enrôlés, grève des maitres bouchers, embouteillage et pollution pour Tynda agglomération. Ce matin, Honoriusl est mort, on en fera du purin, 2 clochards retrouvés clamsés près d’la rivière Kokolié. Ce matin, mon CAC a du succès, 4 monstres de moins à dépecer, 10 civils de tués à Unkut dans les bras sanglants du Titan. Toi et moi, dans tout ça, on n'apparait pas, On se contente d'être là, on s'aime et puis voilà on s'aime.... »

La nuit s’annonçait mouvementée mais rien d’incontrôlable pour Hastur... Une pelle posée sur la table, il était prêt à donner quelques coups si nécessaire... Seulement voilà.... Il s’est passé un truc que personne n’aurait pu prévoir... Le genre d’événement inenvisageable tellement les probabilités sont faibles... Son frère ainé Oldgrine a débarqué avec sa troupe de mercenaires, le lutteur Ts - abréviation de Tueur Sanguinaire-, un type à la réputation de brute épaisse et sans âme, la lutteuse Raidbauty une ancienne prostituée qui prenait un malin plaisir à égorger ses clients durant l’orgasme et Helhel une toubib accusée de trafic d’organes, sous son air angélique, elle tapait aux portes des familles les plus pauvres du royaume, proposant de prendre en charge un des mouflets pour en faire un médecin... le gamin rentrait chez lui quelques mois plus tard, un rein, un œil, un poumon en moins sans la moindre notion de médecine. Pour Hastur, Old n’était plus son frangin depuis belle lurette, la honte de la famille disait-il. La dernière fois qu’ils s’étaient vus, c’était par hasard sur un champ de bataille, Old et sa clique bossaient pour l’ennemi et il en avait fallu de peu que notre chef y reste.... C’est pas qu’Old ait voulu le buter mais dans le feu d’l’action, il n’a pas fait gaffe et notre vieux s’est retrouvé avec une barbe cramoisie.

Bon sang, cette nuit allait être à classer dans les annales de l’enfer !!!!

14 juil. 2009

Chronique 13

Le lendemain, le soleil avait reprit possession du ciel avec une fougue peu commune, comme si son absence forcée l’avait mis au supplice. Il réchauffait à présent les terres du royaume et nos âmes affaiblies. Dans les landes, les dernières gouttes de pluie accrochées aux branches dénudées des arbres, se voyaient anoblies par son éclat. Une lumière opaline colorait l’atmosphère de reflets évanescents et rendait la vie étrangement belle, comme une fenêtre entrouverte sur l’éternité. J’ai levé les yeux... Quelques cumulus dérivaient encore au cœur de l’étendue bleue, orphelins en quête de cieux moins propices. A la vue de cette journée radieuse, j’avais peine à admettre les souffrances de la veille... Etait-ce vraiment arrivé ? Toutes ces morts ? Tous ses cris ? Le départ d’Ecce-Deus? Les paroles de Bogrom ? Oui pas d’doute la d’sus, le massacre fut on ne peut plus réel. Une multitude de petits détails sordides, comme des moucherons qui vous pourrissent la vie en jouant avec vot’ peau, tapissaient les landes pour nous rappeler l’horreur, pas moyen de fuir dans de douces illusions.

Chancelante, j’ai rejoint Hastur et Eternia. Assis sur la souche d’un énorme olivier ils avalaient, le regard absent, une sorte de bouillie brune. A première vue, l’expression de leur visage laissait entendre qu’il ne s’agissait pas de caviar.
« Ptit dej local ? Ça pas l’air ragoutant... »
Eternia a soupiré, en acquiesçant, quant au chef il a ronchonné.
« Les ingrédients sont local le cuistot non, si tu vois c’que j’veux dire. La sale teigne a rien trouvé d’mieux à faire qu’’cette merde infâme qu’elle nomme velouté aux champignons des landes ! J’vais finir par croire qu’elle bosse pour l’ennemi si elle continue à nous empoisonner de la sorte ! Bordel, les gars vont passer la journée à courir derrière des buissons pour se vider par tous les trous possibles ! Comme si on avait qu’ça à foutre ! »
Il a tapoté le bois pour m’inciter à m’asseoir à coté de lui.
« J’suis désolé pour Deus, c’était un brave type et pas con avec ça. Il va nous manquer à tous. Surtout n’hésite pas si t’as besoin d’aide on est là. »
Ptin j’étais gênée, quoi dire ?
« Merci patron. »

Mer-ci-pa-tron? Non mais je rêve ma pauve fille ! C’est tout ce que tu trouves à dire ? Il t’a pas aidé à porter ton armure bon-sang ! Enfin... pour ma décharge faut dire qu’ c’est le genre de situation où aucun mot n’est approprié, conclusion vous vous sentez con, quoi que vous disiez vous vous sentez con...

« Le rituel de purification par le feu s’applique aux Forintiens ? »
Il faisait référence aux buchers funéraires dressés par les gars pour recevoir la dépouille de leurs frères d’armes.
« Oui »
« T’as oint son corps? Pour les croyants l’huile de chanvre permet aux âmes d’atteindre plus rapidement leur vie future. »
« J’ai entendu dire ca... Je comptais m’en charger après le ptit dej... si je survis à l’expérience culinaire de Mamichup. Vous y croyez vous ? »
« A quoi ? »
« Bah à cette histoire d’huile ? »
« Pff des craques ouè ! Une rumeur colportée par les commerçants pour accroitre leur chiffre d’affaire ! Mais j’ te conseille de l’faire tout de même, l’âme montera ptêtre pas plus vite mais la chair se consumera rapidement et c’est pas plus mal vu le nombre de corps à brûler. »
« Hooo excusez moi... » Eternia s’est levée d’un coup, les mains crispées sur le ventre.
« Je crois que... Je....Je... »
« Et voilà ça commence ! Je vais tuer de mes propres mains cette face de rat bordel !!! Tu veux de l’aide mon cœur ? Dis-moi quoi faire. »
« Rien, rien... » Elle a foncé derrière le buisson le plus proche.
« Bon ben finalement j’vais faire l’impasse sur le ptit déj pour aller m’occuper d’Ecce. »
« C’est plus prudent en effet. »

Arrivée dans ma tente j’ai vu des ombres en train d’emporter le corps de mon mari, je n’ai pas eu le temps de me précipiter sur les voleurs ni de crier. Un coup violent sur le crâne m’a envoyée faire un séjour au pays des centaures roses et des sphinx à tête de tortue. Impossible de dire combien de temps s’est écoulé durant mon coma, mais lorsque j’ai émergé, la cérémonie commençait. J’ai balayé du regard l’intérieur de ma tente, la table sur laquelle reposait auparavant mon époux était vide. Quels genres de salauds peuvent être assez insensibles pour voler des cadavres !!!! Titubante je suis sortie pour trouver de l’aide... Un barde chantait en l’honneur des héros morts au combat...

D’un pas digne je rejoins mes ancêtres.
Devant eux j’apparaîtrai sans honte ni regrets.
Ho vous frères d’arme chantez mes exploits,
Je suis mort au combat sans frémir.
Je n’ai laissé ni la peur, ni la lâcheté,
Salir le souvenir de mon trépas.
Donnez-moi mon épée, ma lance,
Ma hache ou mon marteau !
Dans l’au-delà je poursuivrais le combat.
Adieu mes amis, adieu...
Ne pleurez pas mon départ,
Bientôt vous me rejoindrez
Ainsi s’achève le destin des hommes.
Mais en attendant, chantez,
Buvez et baisez tant que vous pouvez !
Car demain il sera trop tard...


Les gars se sont mis à hurler « HOUM ! HOUM ! HOUM ! » Tout en tapant du pied comme le voulait la coutume. La procession des corps jusqu’au bûcher a commencé, rythmée par le martèlement cadencé des hommes. On aurait cru à un orage souterrain tellement ils étaient venus nombreux pour cet adieu. Furieuse de ne pouvoir offrir à mon époux ce dernier hommage j’ai foncé vers le chef en hurlant « Ecce a disparut ! On a volé son corps ! »
« C’est impossible ! Même les moriokiens respectent les morts ! »
« On m’a assommée quand j’ai voulu rattraper ces enfants d’putain ! »
« Bordel ! Je te promets de pas lâcher l’affaire, on va les retrouver et leur faire payer cher ! »

Soudain sans prévenir Led et ses comparses sont apparus à notre droite. Ils portaient tous de longues tuniques noires surmontées d’une capuche qui cachait aux trois quarts leur crâne. Vu le nombre croissant de son escouade, la pèche avait été bonne. Il m’a fixée avec insistance, dans la pénombre de ses orbites tournoyaient des volutes de fumée noire.
« J’ai un cadeau pour toi Eriaka. »
« J’ai pas le temps, on a volé le cadavre de mon mari alors tu m’excuses mais faudra repasser. »
« Cela concerne justement la disparition d’Ecce-Deus. »
« Quoi ?! Tu as retrouvé son corps ? »
« En fait je suis responsable de cette disparition. Hooo j’espère qu’Ortik n’a pas tapé trop fort. » Il a désigné mon crâne.
« C’est quoi ces conneries !!! T’as intérêt d’avoir une bonne explication sinon je te réexpédie vite fait en enfer et cette fois personne t’en fera sortir !!!! »
« Allons, allons, pourquoi tant de haine... Je te l’ai dit c’est un présent, ou si tu préfères une surprise.... » Sa voix mielleuse et faussement condescendante trahissait le plaisir qu’il éprouvait à me voir flipper. Il a fait signe à un jeune nécrop de s’approcher, puis se tournant vers moi il a sifflé entre ses dents dénudées.
« Et bien, tu n’embrasses pas ton mari ? »
J’ai cru que j’allais tourner de l’œil.
« Non, c’est impossible, impossible... L’âme de mon mari n’a pas pu accepter ça, vous l’avez forcé ! »
« Pas le moins du monde. Il s’est porté volontaire, il a même insisté! Pour te protéger a-t-il dit. Je reconnais avoir omis de lui rappeler qu’un nécrop perdait le souvenir de sa vie passée mais que veux-tu j’étais tellement sollicité, je ne pouvais pas m’éterniser à expliquer en détail les lois qui nous régissent... Savais-tu par exemple qu’il nous est impossible de recruter plus de cent nécrops par an ? C’est une règle stupide instaurée par le dieu Kine pour mieux nous contrôler. Evidement, la candidature de ton époux ne pouvait être rejetée... Hooo quelle tristesse, il ne te reconnaît pas, mais par contre il m’obéit à la phalange et à l’orbite... Ts ts ts ts...»

Son rire a percé mes oreilles comme une aiguille chauffée à blanc. Je lui ai balancé un crochet du gauche, sa mandibule s’est décrochée, le plus calmement du monde il l’a remise en place en me menaçant « Quelle ingratitude, je t’excuse pour cette fois ci mais ne t’avise pas de recommencer car c’est moi qui prendrai un malin plaisir à t’expédier dans l’au-delà. »

« TU ES VIRE !!!!!! VIIIIIREEEEEE !!!!!!!!!! » C’était le chef, je ne l’avais jamais vu dans cet état, il fulminait de rage par tous les pores.
« Hoo cela ne me gêne pas. Pour être honnête je ne comptais pas faire carrière dans cette guilde... » Puis sans crier gare il a fait signe à son escouade et ils ont disparut.

Le chef se sentait mal, s’il n’avait pas enrôlé Led tout ça ne serait jamais arrivé.
« Il doit exister une méthode pour ramener un nécrop à l’état de mort. Je demanderai à Olk s’il peut nous aider. Ne t’inquiète pas on va trouver une solution. »

Je suis partie en silence m’écrouler dans mon lit pour fuir cette satanée réalité dans le premier sommeil soucieux de ma peine.

5 juil. 2009

Chronique 12

Je n’ai aucun souvenir de la suite des évènements, Loistic m’a raconté...

Malgré leur valeur, les gars n’auraient pas pu vaincre le bolet sans l’aide in extrémis de guerriers aguerris... Alzirah, la magicienne au cadran de cristal, réputée pour ses talents d’hypnose a retiré toute volonté au monstre de riposter. Sur cet entrefaite deux des lutteurs les plus puissants du royaume, Legend et Seraphine ont bondi sur le dos de la bête, avec une force peu commune et l’ont tailladé de toutes parts. Puis, ne faisant cas de Kricket, Keelow et des trois cousins ébahis par tant de force, ils se sont jeté au cœur de la formation des champignons géants, suivis des meilleurs, Mounta, Etepmet, Gedeo, Kunda pour ne citer qu’eux.

Parait qu’à ce moment, Mamichup a fait son apparition, un petit carnet à la main, portée sur les épaules de son marmiton Zoum.
« Allons, allons messieurs ! Approchez ! Les paris sont ouverts ! La cotte est de dix contre un pour les borgs ! Venez gager votre solde du mois ! Soyez pas timides, un beau pactole à l’arrivée, tentez votre chance ! Gains doublés si vous devinez qui dans nos rangs ou dans ceux de l’ennemi crèvera l’premier ! »

Pendant une infime seconde tous, champignons et borgs compris, se sont arrêtés pour la regarder brailler. Eternia, s’est précipité vers elle, dans l’espoir de l’arrêter.
« Mais enfin Mamichup que faites-vous ? Nous sommes en pleine bataille, vous ne pouvez pas parier sur la mort des gens ! Que dira votre conscience lorsque vous empocherez cet argent souillé par le malheur ? »

« Bah, j’sais pas... merci les gars, vot décès fait ma joie. Ca d’vrait faire l’affaire. Devant le visage ahuri d’Eternia elle a ajouté : Ma ptite ya longtemps qu’ma conscience roupille dans un coin d’ma tête avec toutes les conneries moralistes que nous fourguent les prêtres Tyndaliens ! J’suis pt’être pucelle mais j’suis pas une sainte et j’suis pas naïve non plus ! Dans c’monde de dingues soit tu saignes, soit t’es saigné, qu’ce soit la chair ou l’porte monnaie. Et en général, quand l’massacre s’finit, les riches en profitent. Bon, tu m’excuses, j’aime bien taper la converse avec toi mais comme dit le dicton, empocher où discourir il faut choisir. Allons, allons ! Profitez, d’l’aubaine ! Lancez vos mises, c’est la fortune assurée ! »

Tandis que les bleusailles se laissaient prendre par les boniments de la vioc, les puissants massacraient les monstres. En moins de temps qu’il ne faut à un aigle pour avaler une larve les champignons géants furent décimés. La bataille tournait à notre avantage. Ces derniers gisaient à présent dans une boue rougeâtre faite de sang et de poussière, il fallait les enjamber pour atteindre les borgs. Les archers ont alors tiré une volée de flèches. Encerclés de toutes parts les nécromants ont deviné leur défaite.

L’un d’eux, probablement leur commandant, a hurlé :
« Il est trop tard hommes d’Olso ! Borgom est de retour, d’ici peu il recouvrera ses forces et l’enfer de ses flammes détruira jusqu’au dernier de vos rejetons !! Les dieux et les démons de l’ancien temps ne pourront rien pour vous!! Ainsi tremblez devant sa puissance ! Ni les larmes, ni les suppliques ne retreindront sa rage ! Vous verrez ce monde dépérir et avec lui la race humaine! »

Kunda a soulevé sa lourde hache surnommée par ses frères d’armes la voleuse d’âme.
« Où est-il ?! Réponds et je rendrai ta mort moins douloureuse ! »

« Ne sois pas si impatient, humain, il te trouvera le moment choisi ! Tu regretteras alors d’avoir voulu croiser son regard ! »

« Borgom est encore trop jeune et faible pour survivre seul. Après votre mort, le dragon vous rejoindra dans le néant qui l’a vu naitre car même les enfers ne voudront pas de lui ! »
C’était Loistic.
« Vot serpent sans son biberon il va caner et ... »
« Inutile, mon élève, ils ont très bien compris. »

« Mais vous, vous n’avez rien compris... Le maître n’est jamais seul. Déjà il s’enfuit pour un autre refuge où l’attentent ses fidèles. »
« D’autres borgs ? »
« Tu ne vois donc rien humain, ta fierté t’aveugle... Laisse-moi te décrire l’adversaire qui demain frappera à ta porte. Tous les chefs, de toutes les races de monstres dont se repaissent vos lames depuis des siècles, ont rejoint sa cause. Les Trolls, les Hydres, les elfes noirs, les gobelins même l’énorme Kraken ont accepté l’alliance. Tu veux retrouver Bogrom ? Cherche, si tu l’oses, dans leurs repères car ils servent à présent mon maître et attendent en retour un présent inestimable. »
« Quel présent ? »
« Un monde dépourvu d’humains. »
« Comment pouvez-vous faire ca ! Vous-même vous êtes des hommes ! » A lancé un jeune archer terrifié par ce qu’il venait d’entendre.
« Nous? »
Le chef des borgs a retiré alors son masque noir dévoilant une tête qui, si elle était au départ celle d’un homme n’en avait plus aucun trait. Le nez et les oreilles avaient été coupés, la langue taillée pour devenir aussi fourchue que celle d’un serpent, les yeux arrachés et transformés en médaillon pour laisser sous chaque arcade sourcilière un trou noir. Des écailles recouvraient ses joues et son front afin de renforcer son aspect reptilien.
« Aujourd’hui nous mourons fiers du devoir accompli ! »

Alors, dans un rire démoniaque les nécromants ont lancé une dernière fois des boules de feu au dessus de leurs têtes et la torche vivante qu’ils sont devenus a embrasé le ciel d’une lueur d’épouvante. Au même instant, il y a eut un tremblement de terre, bouchant l’entrée de la caverne, derrière l’amas de pierre une voix lugubre, aussi obscure que la fin des temps a résonné.... « Bientôt petits hommes.... Bientôt... »

Tous sont demeurés inertes, incapables de savourer le charme de la victoire. Quelle victoire ? Celle dérisoire qui retardait pour un temps notre anéantissement. Un silence mortuaire a recouvert les landes d’une sentence irrévocable, nous étions des condamnés à mort...
Puis le soleil a déchiré les nuages pour tracer dans le ciel un chemin lumineux, comme une route menant vers l’espoir nous incitant à ne pas désespérer. Peu à peu les hommes sont sortis de leur torpeur, des cris de liesse ont brisé la fatalité dans laquelle nous avait plongés la promesse de Bogrom et les toubibs se sont mis au travail pour sauver ceux recrachés par la mort.

Je suis revenue à moi, incapable de savoir ce qui s’était passé. Vrael se tenait à mes côtés.
« Je vais l’examiner, il n’est peu être pas... »
« Laisse tomber toubib, c’est trop tard. »
J’ai ravalé ma douleur en secret. « On a gagné ? »
« Ouais, pour aujourd’hui. Mais Bogrom s’est enfui retrouver des alliés plus puissants. »
« C’est la merde alors... »
« C’est la merde. T’es blessée ? »
« Non, ce sang n’est pas le mien. Occupe-toi des autres, ça va aller. »

Le chef est arrivé, à toutes trombes.
« Bordel, l’a fallu qu’ces enfants d’salauds attaquent après mon départ ! Ils ont fermé les portes de la cité pour éviter une invasion, j’étais bloqué. Ya des pertes ? »
« Ecce-Deus, Jormundur et Hodge, a reniflé Eternia. Gurre a les deux jambes cassées, Manfriine le bras droit brulé et Krikcet une entaille profonde à la poitrine, mais d’après Aurel il devrait s’en sortir. Ils y a d’autres blessés moins graves. Hooo, j’ai cru bien faire mais j’étais tellement terrifiée ! »
« Tu as fait au mieux ma douce. »

Mamichup est passée devant le chef une liasse de billets à la main, la démarche aussi pompeuse et fière qu’une chamodinde sauvage, le chef a reniflé dans sa barbe.
« Tssss, t’es pas morte toi... Dommage. »
Elle l’a royalement ignoré, expliquant à son sous fifre Zoum qu’elle hésitait à prendre le titre de Baronne où Comtesse.
« Baronne Mamichup... ca fait plus noble c’est sûr, mais les baronnes sont souvent de vieilles rombières qui baisent jamais alors que les comtesses c’est connu sont toujours truffées d’amants... j’hésite... »
« D’où elle sort tout ce fric ? »
« Hoo, elle a organisé des paris durant toute la bataille. J’ai bien essayé de l’en empêcher mais tu la connais, c’est difficile de la raisonner. »
« Ca va pas se passer comme ca, bordel, une fois toute cette guerre finie on aura une ptite explication elle et moi ! »
« Bogrom est en vie mon mari, nous l’avons entendu... »« Je ne veux pas t’alarmer inutilement mais il faut être lucide... La situation est encore pire. Le dragon a convaincu les monstres les plus dangereux du royaume de se joindre à lui. L’humanité va devoir lutter pour sa survie. Espérons que les dieux nous pardonneront notre orgueil et nous viendront en aide. »

30 juin 2009

Chronique 11

Il nous a fallu une semaine à dos de chamodindes lancées au galop pour rejoindre les landes. Les bêtes, à notre arrivée, ne valaient plus grand-chose, leur endurance ayant repoussé les limites du raisonnable, il leur faudrait des mois pour recouvrer leur force. Eternia retenait ses larmes devant l’état pitoyable de celles qu’elle nommait ses enfants ...

Je n’étais pas revenue depuis plusieurs années. Devant l’austérité de l’endroit je sus pourquoi. Nowogard exaltait de toute part la noirceur de la cité Moriok, sa nature et ses habitants s’abreuvaient dans les fleuves de lave qui encerclent la ville. Malgré la constance du déluge, le magma continuait d’éclairer d’une lueur rougeâtre les environs, il répandait au contact de l’eau des vapeurs acides, aussi brûlantes que le chaudron des enfers. Ici, l’espoir n’était pas de mise, les Moriokiens vouaient leurs âmes aux démons de l’ancien temps, attendant leur venue. Pourtant, nous vivions un moment unique dans l’histoire d’Oslo car même le plus insensible des Moriokiens redoutait le retour de Bogrom à juste titre. Le dragon nous le savions, ne s’encombrerait pas d’adeptes, il dévorerait sans distinction chaque être croisé sur sa route. De cette peur commune était née la première alliance entre les adepte de la bonté et ceux de la cruauté. Grace à cette coalition, nous avions généré la plus grande armée jamais connue. Toutes guildes confondues, nous frôlions les dix-mille têtes. Olk avait accepté pour ne créer aucune rivalité de prendre le commandement. Depuis Moriok, il envoyait ses ordres à chaque meneur et organisait l’attaque.

« Comprends pas comment une poignée de nécromants arrivent à tenir en échec autant d’hommes. » Ai-je murmuré, ébahie devant cette force de frappe que le Mage avait su concevoir.
« Moi non plus. M’a répondu le Chef. Installez le camp là où vous pouvez. Je vais aller voir de quoi il retourne. »

Une heure plus tard, nous avons entendu des détonations depuis la grotte des aranéides. Notre campement était trop éloigné pour comprendre ce qui se passait mais l’agitation semblait gagner les troupes. Aussitôt les trois cousins, mon mari, Kricket et Keelow ont foncé dans le tumulte, je ne sais pas pourquoi moi aussi. Plus je me rapprochais de l’antre, plus je croisais des soldats blessés qui gémissaient dans le vain espoir qu’on les secoure. L’un d’eux m’a agrippé le bras et dans un râle à peine perceptible a demandé de l’aide. J’ai failli vomir mes tripes devant ce spectacle d’horreur. Tout le bas de son visage avait été déchiqueté, comme si une bête affamée s’était régalé de sa chair pour ne laisser que les os. Sa mâchoire apparente arborait un sourire involontaire qui jurait avec sa douleur. Je ne pouvais rien pour lui, ses yeux vitreux contemplaient déjà l’horizon de l’au-delà. Devant mon impuissance, j’ai menti.
« Ca va aller mon gars, tiens bon, je t’envoi un toubib. »

J’ai du jouer des coudes pour m’approcher du repère des aranéides, j’avais perdu de vue mon mari et les autres. Quelqu’un ma pris par l’épaule, j’ai sursauté, c’était Ecce-Deus.

« Il faut s’éloigner, tout de suite ! »
« Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? »
« Pas le temps de t’expliquer, on doit rejoindre le camp en vitesse ! »
Je n’avais jamais vu cette lueur d’épouvante dans ses yeux félins.
« Et les autres ils sont où ? »
« Aucune idée, on ne peut pas les attendre. Viens ! »
Il m’a entrainé avec force au milieu de la cohue bousculant sans ménagement ceux sur son chemin pour se frayer un passage. Arrivés au camp j’étais essoufflée.
« Bien à présent tu peux m’expliquer ? »
« Non ! »

Comme le vieux n’était pas de retour, il a foncé vers Eternia.
« Chef, on doit former les rangs tout de suite et se tenir prêt à une attaque. Pas le temps de vous expliquer, c’est urgent ! »

Eternia, à mon instar n’a pas cherché à comprendre. Devinant le danger imminent elle a donné ses ordres. Je reste admirative devant l’efficacité et la force morale dont elle a su faire preuve.

« Les lutteurs et les chevaliers en première ligne ! Bon sang où sont Kricket et Keelow !
« Ils sont partis là-bas ... »

Elle a ragé avant de poursuivre.

« Randomize, couvre le flanc droit avec ton escouade. Ween le flanc gauche. Xinus prend les archers avec toi, essayez de trouver des hauteurs pour avoir une ligne de tir. Je veux un protecteur tout les trois mètres pour activer les boucliers, les toubibs à l’arrière prêt à recevoir les blessés ! »

« Et nous ? »

C’était Led, aussi froid et calme que la mort qui l’habitait.

« Heu, je ne sais pas à vrai dire ... Je vous laisse juge de la meilleure position à tenir. »

Il s’est incliné avec courtoisie, puis se tournant vers ses frères à sifflé entre ses dents.

« Messieurs, allons trouver les Borgs pour agrandir notre fratrie. »

Ils se sont rendus invisibles...Impossible de savoir où ils se tiendraient. Brrrr ... Tout compte fait je préférais les savoir dans notre camp ...

Moins d’une demi-heure s’est écoulée avant la première vague d’assaut. Sur le coup, j’ai cru être victime d’hallucinations. L’ennemi en question était une cohorte de champignons géants qui semblaient glisser sur le sol aride de Nowogard. Ils répandaient dans l’air des spores toxiques et protégeait en leur centre une poigné de Borgs. Ces derniers, lançaient des boules de feu qui venaient s’exploser au dessus de nos têtes, libérant une nuée de flammèches. Ceux touché par l’une d’elles voyaient leur habit s’enflammer. Très vite, des corps incandescents se sont mis à courir dans tout les sens, leurs cris d’épouvante retentissaient comme un chant de damnés. Nous n’avions aucune chance d’en réchapper. Nos boucliers commençaient par endroit à crépiter sous l’impact répété des flammes.

« Repliez-vous ! » à hurlé Eternia.

Les gars ont commencé à reculer. C’est alors qu’un énorme champignon, dont le pied dépassait les trois mètres de haut, a quitté sa formation pour foncer droit sur nous. Un bolet à première vu, affublé d’une longue langue jaunâtre qui léchait le sang répandu sur son passage.

« Repli immédiat !!! » a gueulé de nouveau Eternia.

Le champignon nous rattrapait, je sais, pas facile à croire et pourtant ... J’ai cherché du regard mon mari pour garder en mémoire son doux visage, je savais ma dernière heure venue. Je l’ai vu dix mètres plus loin, son corps taché de sang. A son tour il m’a vus, avec légèreté il m’a lancé un clin d’œil complice, a dit quelque chose, j’ai cru comprendre « A bientôt », puis dans un soupir, s’est écroulé. J’ai hurlé. Aveugle à toute menace et folle de rage, je me suis précipité vers lui. C’était trop tard... Il ne restait de lui qu’un corps inerte, froid et sans vie. Je ne sais pas combien de minutes ... de secondes ... se sont écoulées. Mais au milieu de mes larmes, j’ai pu distinguer l’énorme masse du bolet qui me dominait.
« Vas-y ! Bouffe-moi ! »

A cet instant, plus rien n’avait d’importance ... Ma vie ressemblait à un tableau dépourvu du moindre attrait. Le champi a sorti sa langue pour ceinturer mon corps, une lame étincelante est venue la pourfendre, arrachant au monstre un hurlement de rage. C’était Kricket.

« J’arrive à point nommé. » Un trait d’humour que je n’ai pas relevé.
« Alors gros tas de spores, t’attends quoi pour m’frapper ! »

Le bolet encore sous le choc de sa langue coupée à bondit sur le lutteur dans l’espoir de l’écraser. J’ai compris alors comment le monstre se déplaçait, à l’aide de milliers d’araignées qui besognaient sous son pied. Au moment où il s’est projeté dans les air, les aranéides se sont dispersée de toute part. Kricket a disparu sous l’énorme masse. J’ai bien cru qu’il avait rejoint mon mari. Mais soudain sa dague est ressortie en plusieurs endroits, mettant le monstre au supplice et l’obligeant à s’éloigner pour esquiver les coups.

« Mamichup ! Ce soir fricassée de champignon à la sauce floribonde ! » A raillé Kricket.
« Alors on s’amuse sans moi ? » Keelow venait de le rejoindre.
« T’inquiète frangin ya encore de quoi faire. »


Les trois cousins Manfriine, Romuluss et Gurre ont fait leur apparition. Couverts de sang, de contusions et de blessures mais jubilants... ils étaient dans leur élément.

« Belle bête ! Ces lutteurs, faut toujours qu’ils se tapent la meilleure part du gâteau ! »
« Ouè, pas question qu’on reste sans rien faire ! On est de la partie les gars, qu’ca vous plaise ou non ! »
« Regardez et laissez faire les experts ! On va vous montrer comment couper de fines rondelles sans émousser la lame ! »



Je suis restée accroupie, tenant dans mes bras celui qui fut mon mari, à regarder sans le voir, le combat que menaient mes frères d’arme.

25 juin 2009

Chronique 10

Trois jours à errer dans les égouts inondés de Tynda ... Les gars n’en pouvaient plus de ratisser l’endroit. Comme si devoir passer ses journées sous terre en compagnie de rats répugnants ne suffisait pas, il nous fallait en plus supporter des effluves dignes des plus grande décharges d’Olso ... un mélange de chat crevé et de poisson en décomposition. Notarion, l’architecte en charge de la cité n’avait pas fait les choses à moitié. Sous toute la ville se déployait un dédale inspiré des plus grands labyrinthes. Aussi passions-nous plus de temps à chercher les hommes égarés qu’à renifler des indices susceptibles de démasquer les borgs. Pour ajouter de la galère aux galériens, le niveau de l’eau arrivant à hauteur de taille, il fallait évoluer dans de petites barques louées au rabais et dont la coque moisie par endroit nécessitaient en permanence un type d’astreinte à l’écope. L’idée venait de Loistic, et malgré l’état pitoyable des embarcations nous avions loué l’érudit pour cette solution de fortune. Faut dire qu’une goutte aurait suffit à vous filer la polio. L’image de mon corps plongeant dans ces eaux troubles me donnait la nausée et je savais mes frères d’armes tout aussi écœurés par la puanteur qui s’en dégageait, enfin presque tous.... Les meneurs vous le diront, chaque guilde transporte son lot de mercenaires timbrés inconscients du danger, Rayani n’échappe pas à la règle ... Les notres s'appellent Manfriine, Romuluss et Gurre, les cousins élevés au lait de chamodinde sur les crêtes montagneuses de Seng, des vétérans à la peau aussi dure qu’un crocodile et aux diverses cicatrices, trophées de guerre dont ils se vantent. Sur leur torse on peut également voir une multitude de petites croix tatouées... Une croix par monstre ou homme tué, petit ! Crachent-ils froidement aux nouvelles recrues. Je dois admettre que leur survie à tant de batailles force l’admiration. Des montagnards au courage sans faille mais à la réflexion souvent défaillante... Notre trio d’allumés... Dans les égouts ils prenaient plaisir à suivre leur escadron à la brasse. Nous avions beau les mettre en garde, ils riaient avec désinvolture en nous traitant de poules mouillées, ce qui me semblait totalement déplacé vu qu’ils dégoulinaient de toute part...

Premier jour ...
Je me suis retrouvée enrôlée dans une unité de foire ... Yavait un Kricket surexcité ; Keelow, un autre lutteur tout aussi masochiste ; Aurel en pleine forme ; mon mari, le poil hérissé à l’idée de couler ; Loistic et son élève Popy. On n’avait pas fait dix mètres qu’Aurel a commencé à fredonner, debout sur la barque, une longue rame entre les mains .... Que c'est triste Tynda, au temps des amours mortes, que c'est triste Tynda, quand on ne s'aime plus.... Je me suis demandé un instant s’il tenait l’équilibre et si « non », s’il pouvait couler... Mon altruisme a vite renoncé à tenter l’expérience au grand dam de mes oreilles.Derrière, mon mari, un seau entre les mains, écopait comme un forcené en répétant constamment « On serait pas en train de couler ? Dis ma femme, t’as pas l’impression qu’on coule ? » Ce a quoi je répondais systématiquement « Non. »

Loistic, assis en tailleur à la proue du bateau, était en pleine élucubration sur la logistique déployée pour obtenir cette merveille de technologie qu’étaient les égouts...
« Il ne fallut pas moins de dix mille hommes pour creuser ces soubassements, évitant ainsi à Tynda de connaître les affres de l’inondation mais également toutes sortes de pandémies courantes aux infrastructures insalubres. Traduction »

« Haut d’sus d’nos têtes si les planqués s’prélassent dans des draps d’ soie au sec et au propre c’est grâce à ces égouts d’malheur qui récoltent toute la merde. »

« De facto, nous nous trouvons dans un vivier ou regorge les micro-organismes porteurs de germes malsains. Aussi je ne saurais que trop vous conseiller de redoubler de prudence quant à votre hygiène. Traduction.»

« Donc, si vous voulez pas ressembler au cul de Mamichup pensez à vous laver de fond en comble en sortant. »

Le summum fut atteint avec les deux lutteurs assis côte à côte... J’ai eu tout à coup la désagréable sensation de faire un bond en arrière pour me retrouver dans une cour d’école...

Sans prévenir Kricket a ouvert les hostilités en balançant à son homologue :
« Tu m’as regardé et tu t’es foutu de moi là ? J’permets à personne de se moquer d’moi ! »

« Hé ho ! T’es malade mon gars ! »

« Tu crois qu’tu m’fais peur ? Bah vas-y FRAPPE moi et tu verras ! »

« On m’la fait pas! Toi, FRAPPE moi d’abord et t’auras droit à mon remerciement ! »

« Wouè c’est ça t’as peur hein. Allez quoi vas-y FRAPPE moi, FRAPPE moi j’te dis mauviette !!!! »

« Dans tes rêves ! Toi d’abord. » « Non, toi d’abord » « Non, toi d’abord. » « Non, toi d’abord »... etc ... etc ...

La journée s’est écoulée comme ca... Avec une lenteur égale à celle des flots qui nous portaient... A part quelques groupes de rats que les lutteurs s’empressaient de tuer, nous n’avons rien vu susceptible de dénoncer la présence des borgs.

Le soir en me couchant, j’avais d’étranges phrases involontaires qui cognaient contre les parois internes de ma boîte crânienne... J’ai bien cru un instant que la folie allait m’adopter...
« Que c’est triste Tynda au temps des FRAPPES mortes... Surtout lorsque dix mille hommes ressemblent au cul de Mamichup qui coule, qui coule. Tu trouves pas ? Que c’est triste Tynda quand on n’se lave plus... De facto toi d’abord, non toi d’abord... »

Deuxième jour...

Je suis allée direct à l’auberge du Férayeur où logeait le vieux et de but en blanc je lui ai balancé :
« Soit vous m’ changez d’escadron soit j’ quitte la guilde ! »

Le vieux m’a reluquée des pieds à la tête, puis le plus tranquillement du monde il a craché son tabac à chiquer dans une écuelle avant de me répondre :
« On dirait qu’t’as pas apprécié ta sortie d’hier... »

« Vous plaisantez ? Ma journée à faire la tambouille pour les gars c’était du repos à coté ! »

« Ok, ok, calme toi j’vais arranger ça... »
Pourquoi j’avais l’impression qu’il me mentait ?

« Heu, Chef, pas d’coup fourré n’est-ce pas ? »

« Pour qui tu me prends ! Rends toi devant l’arène dans une heure tu partiras avec la première patrouille de la matinée. »

Une heure plus tard, je découvrais ma nouvelle escouade... Le salaud, j’aurais dû me douter qu’il manigançait un truc tordu ! Mamichup ! Dans le groupe ! Heu quand je dis « groupe » j’entends par là le trio des cousins timbrés et histoire d’ajouter du piquant dans cette escouade déjà bien pimenté Vrael et Plomb, de retour d’Ambilol ! Les deux lascars avaient, de toute évidence, passée la nuit à boire autre chose que la pluie des borgs pour fêter leurs retrouvailles !!! J’ai cherché du regard Hastur, en vain... Je me suis maudit... Voila ce qui arrive quand on menace le Chef !
La mine renfrognée, j’ai rejoint la vieille en trainant les bottes.
« Dis tu devrais pas préparer le déjeuner toi ? »
« C’est c’que j’fais. »
« Comment ca ? »
« Ya plus d’ viande, alors m’en vais en chasser. »
« Heu tu sais en dessous tu trouveras rien d’autre que des rats. »
« Bah c’est d’ la viande que j’sache ! »
« Quoi ? Nan mais t’es barge ! On va pas bouffer du rat, tu veux qu’on crève ?! »
« C’est la guerre ma ptite ! On fait pas dans la dentelle, en temps de guerre, alors ton coté chochotte tu l’gardes pour ta grand-mère, chez moi c’est pas des madeleines que tu boufferas ! Mais t’inquiète, j’m’y connais en microbes et ces saloperies survivent pas à cinq heures d’ébullition rehaussée ‘une trentaine de piments des landes. »
« Le Chef est au courant ? »
« En quoi ça le concerne ! C’est pas lui qui va dépecer les bêtes alors j’vois pas l’intérêt d’affoler les deux neurones qui lui reste ! Et t’avise pas d’aller lui raconter la chose, parce que c’est cru que tu l’boufferais le rat c’est clair ? Pour l’vioc j’suis d’sortie histoire de prendre un peu l’air, l’affaire s’arrête là.»

Prendre un peu l’air dans des égouts... Yavait qu’ la vieille pour pourvoir invoquer un prétexte aussi bidon tout en restant crédible.

Je m’étendrai pas sur cette matinée ...
En résumé ce fut une aventure du genre : Eriaka rame et écope en même temps... surveille les alentours à l’affût du moindre indice, flippée devant la décontraction des autres... défend la troupe lorsque les rats attaquent... et de manière constante en a rats le bol ! Les autres me direz-vous ? Et bien Mamichup s’affaire à dépecer ses bestioles et à les mettre en boîte avec une froideur angoissante, le trio enchaîne les défis de cent mètres crawl, quatre cents mètres brasse, deux cents mètres crasse et les deux comparses font honneur à la liqueur de scorpion ramenée par Plomb. Merci Chef !


3eme jour ...

La veille au soir, auprès d’Hastur, j’avais joué mon plus beau rôle de femme au bord de la dépression, les larmes, les tremblements, l’épuisement et tout le tintouin. Je l’ai supplié, reléguant mon amour propre dans un coffre...

« J’vais être franc avec toi, Gribouille, tous les groupes sont au complet exception faite d’un où il reste une place. Pour tout te dire, ça va pas te plaire, mais à y réfléchir c’est pas plus mal que t’en fasses partie. Je veux que tu retranscrives la façon dont ces types se comportent lorsque j’ai le dos tourné. »
« De qui s’agit-il ? »
« De Led et ses frères. »
Les frères en question étaient des voisins de cimetière recrutés la semaine précédente. Tous aussi flippants les uns que les autres. Je suis devenue livide.
« T’es pas obligée de chercher à leur ressembler. »
« C’est pas drôle. »
« Bordel, ils sont déjà cannés, ils vont pas te bouffer ! Et puis tu seras pas seule, ma femme t’accompagnera, à l’instar de toi elle cherche à faire connaissance pour approfondir son savoir sur les macchabés. »
Saint patron des Zonts, loué soit-tu ! Enfin une personne normale pour me tenir compagnie ! J’ai accepté sans rechigner...

Le lendemain, alors que Led et ses frères Malienor, Sleef et Orik nous attendaient devant l’arène, trempés littéralement jusqu’aux os, le chef a débarqué.

« Rassemblement immédiat sur la place marchande ! Nous partons dans l’heure pour les landes de Nowogard ! Les Borgs ont été repérés dans la caverne des aranéides. L’ennemi s’est révélé plus puissant que prévu, d’après les nouvelles, les pertes sont sérieuses. Toutes les guildes doivent rejoindre les landes au plus vite pour prêter main forte. Magnez vous l’troufion, on n’attendra pas les retardataires et équipez-vous pour le combat. L’heure de la vengeance a sonné ! ».

21 juin 2009

Chronique 9

Depuis plusieurs semaines, le ciel drapé de ses oripeaux les plus gris déversait ses larmes sur le royaume. Les plaines verdoyantes d’Alwatath avaient vu peu à peu leurs fleurs dépérir pour céder la place à un vaste bourbier propice aux boues et fièvres Arachnide. Dans les cités voisines, la mélancolie errait comme une femme abandonnée, gémissante à souhait ... Nul n’était épargné par ce courroux, les remparts de Moriok et Tynda disparaissaient sous un flot d’eau continu qui offrait aux voyageurs la vision d’une immense cascade encerclant chacune des deux cités ennemies. Au milieu de ce désastre les vieilles rancœurs semblaient dérisoires. Anges et démons payaient, à parts égales, un lourd tribut fait de mort et d’agonie. Je n’avais jamais voulu prendre parti pour l’un des deux camps, je n’étais ni assez pure pour me prétendre ange, ni assez insensible pour m’imposer en démon...

Cela faisait cinq jours que nous campions dans les Basses Montagnes des Oliphons. La plaine devenue inhabitable, ressemblait à présent à une éponge gorgée d’eau insalubre et le transfert du camp sur les hauteurs s’était chargé de saper définitivement notre moral. Les roues des charrettes s’embourbant au bout de quelques mètres, il avait fallu se résoudre à transporter à pied tout notre attirail. Nous n’étions pas les seuls, beaucoup d’autres confréries s’étaient résignées à quitter le bassin. Or personne n’appréciait cette proximité. Des guildes souvent ennemies se retrouvaient, malgré elles, voisines, et les chefs devaient constamment redoubler de fermeté pour éviter les échauffourées.

Je n’échappais pas à la morosité ambiante. En plus du mauvais temps il me fallait supporter l’humeur massacrante de mon mari pour qui cette pluie était un véritable supplice, mais je n’étais pas la plus à plaindre ... Les hommes astreints de sortie rentraient de leurs expéditions le visage las et livide, même en cas de victoire. Les toubibs s’affairaient en permanence pour contenir les épidémies provoquées par les eaux. Vrael qui n’avait pas fermé l’œil depuis des jours, devenait un peu plus lugubre et inaccessible à chaque nouveau cas déclaré. Aurel, lui, semblait mieux supporter cette épreuve, cependant sa verve intarissable se ponctuait de chansons plus nostalgiques les unes que les autres... avec le temps, avec le temps va tout s’en va....avait bien vite remplacé ... il pleut, il pleut mémère, rentre ton troufignoooon... Allons à la taveeerne, mémère viiite allons..

Résignés, nous pensions devoir faire preuve de patience, jusqu’à ce matin, avec l’arrivée de méssagers envoyés par le mage Olk. Leur courrier a transformé notre lassitude en une fureur qui n’a rien eu à envier à celle des trolls. Dans tous les clans, des cris de rage ont fait trembler le sol rocailleux de la montagne.

La missive disait ceci :

« Homme et femmes du royaume D’Olso ! L’heure est grave. Ce déluge n’est pas naturel. Vous avez eu vent du retour de Borgom. Or cette résurrection n’est pas l’œuvre d’un seul homme mais d’une secte démoniaque. Les Borgs ! Des nécromants adeptes de l’ombre et du mal et qui agissent à l’abri des regards. Ils sont les responsables de ces eaux dévastatrices. Vous devez trouver au plus vite leur repaire et mettre un terme à leurs incantations diluviennes. Sans quoi, le dragon recouvrera ses forces plus tôt que prévu et rien alors n’arrêtera ses flammes meurtrières. Le temps nous est compté. »

L’énergie de la vengeance s’est infiltrée dans toutes les guildes. Des hommes gueulaient « A mort les Borgs !!! » d’autres « Pas d’pitié !!! ». Une fois la frénésie passée, les chefs se sont réunis pour mettre en ordre un plan d’attaque. Bien sûr, toute la difficulté résidait dans le moyen de repérer leur planque. Chaque guilde a fait appel à son stratège. Chez nous il s’agissait de Loistic. Un érudit dont le cerveau bien rempli avait une sacrée réputation. Plus d’une fois il s’était vu proposer une place dorée dans des guildes plus puissantes. Heureusement pour nous, il avait le vieux à la bonne. Malgré l’auditoire imposant, il ne s’est pas démonté. Perso j’ai pas tout compris à son charabia, les dirigeants non plus, mais Loistic est habitué à ça, il ne se déplace jamais sans un élève pour traduire ses propos. J’ai fait honneur à mon boulot en retranscrivant à la fois les paroles du maître et leurs traductions :

« Sous-entendu le penchant des Borgs pour les lieux occultes nous pouvons d’ores et déjà subodorer une tendance à la prédilection des excavations. D’où la déduction suivante : leur repaire se trouve indubitablement à l’abri de toutes ondes électromagnétiques, visibles ou pas par l’œil humain. Il va sans dire que si cette théorie, qui peut prétendre vous en conviendrez à un axiome, limite considérablement notre champ d’action, elle n’apporte cependant aucune réponse quant à l’endroit sus-nommé. Ce que je déplore. Traduction.».

L’élève, un gamin du nom de Popy, à la mine renfrognée, s’est mis à réciter d’un ton monocorde :

« Le maître dit qu’les enfants d’salaud qui nous bousillent le moral avec toute cette flotte se terrent probablement sous terre vu qu’y zaiment pas la lumière. Ça élimine pas mal d’endroits mais c’est pas non plus la joie vu qu’il reste beaucoup de possibilités. Et ça l’fait bien chier. »

« Or donc, au vu de cette conclusion, la tâche qui nous incombe, loin d’être utopiste je vous rassure, n’en demeure pas moins aléatoire. Elle peut s’achever dans les heures à venir comme dans les mois qui suivront. Qui sait, si la chance, cette libertine indomptable et immorale, jouera en notre faveur ou s’abandonnera aux caresses rugueuse des Borgs ... Traduction. »

« Bon, si on résume la chose, c’est pas compliqué : ca peut être super rapide, genre je sors du camp j’fais trois mètres, j’vois un terrier j’m’y faufile et hop ! Bonjours les Borgs ... soit j’me tape toutes les cavernes, égouts et souterrains du royaume pour des nèfles. Ya qu’cette putain qu’on nomme la chance qui sait c’ qu’elle va faire. »

« Notre réussite réside dans l’altruisme, le pardon et l’union de toutes les confréries ici présentes. Que le royaume soit quadrillé et réparti de manière équitable pour augmenter l’efficacité dans nos recherches. J’exhorte chacun d’entre vous à s’armer d’une volonté farouche et à omettre tous ressentiments à l’égard d’un tiers ! Notre unique ennemi pour l’heure se cache dans les entrailles du royaume. C’est en unissant nos ressources et nos effectifs que nous parviendrons à l’en déloger. Traduction. »

« Bref, pour gagner la partie va falloir se tenir tranquille et accepter de bosser ensemble. On se repartit le boulot à parts égales. Alors finies les conneries du genre défis, agressions, vengeances et autres. Aujourd’hui et demain, les seuls troufions qu’il faut buter c’est ces limaces de Borgs ! »

Les chefs ont tous approuvé. Une alliance a été signée. Les confréries les plus puissantes se sont vu confier la caverne des aranéides et le repère de l’Hydre. La nôtre avait à charge les égouts de Tynda.


J’ai vu les plus valeureux chevaliers du royaume endosser leur armure en silence avec dans le regard une lueur glacée et impitoyable. Dans chaque campement, l’on s’affairait pour le départ en silence. L’heure n’était plus à la parole mais à l’acte inflexible de la vengeance.

Puis, au son du cor de guerre, dans un cliquetis d’armures qui tintait comme un carillon funèbre, les troupes se sont mises en marche. Au cœur de ce vacarme de ferrailles, j’ai cru déceler la voix d’Aurel... we are the champion my friends...

Chronique 8

La journée calvaire touchait à sa fin ... J’étais fourbue, le moral au plus bas ... Préparer la tambouille pour une cinquantaine de gaillard à l’estomac aussi gros qu’une panse d’ogre ça ne vous laisse pas une minute de repos ! Je commençais à éprouver une sorte d’affection pour la vieille, son sale caractère avait de quoi s’alimenter, nous nourrir tous les jours, c’était pas des plus folichon ...

Quand j’ai quitté les cuisines, minuit s’était fait la belle depuis longtemps ... Je suis rentrée sous ma tente ou Ecce-Deus dormait comme un loir bien qu’il soit plus proche d’un minou et me suis écroulée sur une chaise. Allez, retranscrire des batailles et entraînements entre deux sacs de pommes de terre à éplucher... Perso j’y suis pas arrivée. J’allais donc devoir passer la nuit à gratter du papier pour rattraper mon retard. J’ai fouillé dans le foutoir qui me servait de mémoire ... Pas facile d’y voir clair ... depuis l’annonce du retour de Borgom, le vieux était monté sur ressorts, il ne laissait pas une minute de répit aux gars. On avait tué plus de monstres ces derniers jours qu’en trois mois... Je décidais de commencer par l’expédition dans la vallée des vents-hurleurs...

C’était un jeudi matin il me semble, Hastur voulait tester une nouvelle hache qu’il avait payé une fortune. Yavait intérêt à ce que l’arme soit à la hauteur du prix sinon le forgeron qui l’avait fabriquée allait bouffer ses ronds.
Comme à son habitude il s’est flanqué devant moi et m’a dit :

« Je pars pour la vallée des montagnes de Seng en famille, reste de la place on te prend avec nous si t’es ok ? »
« Heu vous croyez qu’on a une chance de s’en sortir là-bas ? Parait qu’les monstres sont cotons. »

Il m’a fait son regard paternaliste...

« Ma ptite faut qu’tu passes à la vitesse supérieure, les rats et les farfadets c’est sympa un moment mais c’est pas ça qui va t’aider à améliorer ta technique de combat. Si tu trembles devant un ogre ca va donner quoi devant l’dragon ? »
« Bah à vrai dire si je pouvais éviter de croiser Borgom ça m’arrangerait... »
« Bordel mais qu’est que j’ai fait pour être entouré de trouillards et de poivrots ! »
« Vous énervez pas chef. »
« J’m’énerve pas ! T’as dix minutes pour rassembler ton attirail et nous rejoindre devant la porte nord ! Fin d’la discussion ! »

En plus de sa femme et de ses nièces, Hastur avait invité une jeune archer du nom d’Heliad et le lutteur Kricket à se joindre à l’expédition. Sept en tout...
Avec la plus grande diplomatie je suggérai :

« Reste une place on pourrait prendre un toubib avec nous, au cas où y’ait des blessures à soigner ? »
« Sont tous occupé aujourd’hui, on fera sans. » M’a rétorqué le chef.
« Une escouade est constituée de huit membres, ai-je insisté, j’dois pouvoir nous dégoter quelqu’un qui roupille encore ... »
« T’étais la dernière, laisse tomber, on fera avec. Et arrête de flipper comme une gamine ! »

Se rendre dans la vallée des vents-hurleurs est en soit un danger. Une fois arrivée au Village des montagnards, faut compter plusieurs heures pour atteindre l’endroit et croyez-moi c’est pas d’la rigolade. Le chemin grouille d’orcs qui vous attaquent si vous passez trop près de leur campement. Or entre les bestioles d’Eternia qui pouvaient pas s’empêcher d’aller renifler à droite à gauche et la jeune Crâ qui quittait le sentier constamment pour aller cueillir des fleurs, on se faisait agresser tous les cent mètres. Et si encore y’avait eut qu’ça... Mais Kricket était déchaîné, une sorte d'hystérie jouyeuse l'animait à la perspective de combattre des ogres. Il ne marchait pas, il courait.
Tsss, j’vous assure ya pas plus masochiste qu’un lutteur ! A se balader tout le temps avec son marteau pour demander qu’on le cogne ! C’est limite flippant...

« Hey, Eriaka, tu veux bien m’écraser les doigts avec le marteau ? C’est plus marrant quand c’est quelqu’un d’autre. S’il-te-plaît, frappe-moi, allez frappe-moi ! La douleur ça m’rend plus fort ! Vas-y, soit pas timide ! Un bon coup sur les doigts, t’inquiète, ils vont pas s’briser ! »
« Dans tes rêves ! »
« Ha ! Madame, c’est comme ça qu’il nomme Eternia, ça serait possible d’emprunter votre oléphont, histoire qu’il m’marche dessus ? Ou alors votre dragounné, pour me faire roussir les poils, ça doit faire mal ça ! Ho je sais ! Encore mieux ! J’suis génial écoutez ça ! L’oléphon m’écrabouille pendant que le drago utilise mes os pour faire un feu de camp ! On pourrait y ajouter les anguouilles avec leurs éclairs ! Raaaaaa après ça je serai prêt à tuer Borgom d’une main !!!! »
« Mais quelle horreur ! Jamais de la vie ! »
« Heu chef, chef ! Vous pouvez tester votre nouvelle hache sur moi ? Soyez sympa, un grand coup sur le crâne ! Si ça pisse le sang c’est encore mieux ! Allez, faites pas vot’ Rat Bajoie... »

Hastur ne s’est même pas donné la peine de répondre, il l’a juste regardé et dans son silence résonnait une phrase du genre
« C’est un ticket sans escale pour le camp que tu vas recevoir si tu continues ! »
Kricket a fait mine de se diriger vers les muses qui rigolaient comme deux midinettes...

« Pas touche ! » A gueulé le chef.

Au final il s’est rabattu sur la jeune archer et ça a faillit marcher !

« Hey ma poule, ça te dirait d’utiliser mon torse comme cible pour t’entraîner au tir ? J’suis même ok pour qu’on dessine les cercles avec le bull au centre, les chiffes et tout le tintouin... »
« Mais vous allez mourir si on fait ça ! »
« Naaaan j’suis increvable ! C’est sans risque j’tassure ! Au contraire, tu verras... Une goutte de sang versée est remplacée par dix grammes de muscle, c’est un truc de ouf j’te l’accorde mais c’est la vérité ! »
« Bah, j’sais pas moi ... le chef est d’accord ? »
« Mais oui, t’inquiète, entre le chef et moi ca roule ! On est des potes pas b’soin d’paroles on s’comprend. Hey ma ptite si tu me boost à fond j’serai ok pour te porter jusqu'à la vallée ... T’en dis quoi ? T’es pas mariée je crois ? »

Héliad est devenue tellement rouge qu’on aurait pu confondre son minois avec une grosse tomate mure à point.

Heureusement pour la gamine, le chef n’avait rien perdu de leur échange ... Il a posé sa main sur l’épaule du lutteur et lui a suggéré avec une pointe de menace qui se voulait audible :
« Alors mon POTE, si on partait en éclaireur toi et moi, histoire de dégager le terrain pour ces dames ? Bah alors t’as perdu ta langue ? Remarque, on s’comprend tous les deux, pas besoin de parler ! »

L’après-midi était bien entamé lorsque nous avons atteint l’entrée de la vallée. L’endroit était lugubre, je ne sais pas pourquoi on appelait ça une vallée, ça ressemblait plus à un canyon formé par les eaux de l’apocalypse, avec ses grandes falaises grises et son sol aride.

« Parfait, faisons un peu connaissance avec les habitants du coin. » a déclaré le chef en soupesant sa hache.
Un groupe composé d’ogres et d’orcs, leurs serviteurs sans doute, se chamaillaient un peu plus loin l’énorme carcasse d’un chamodinde. Ils ne nous avaient pas repérés ... Ca semblait jouable. Au signal du chef nous avons déboulé sur eux avec la rage et la fougue de combattants aguerris. La chance était de notre coté, le terrain nous permettait de démarrer en formation serrée. J’ai enveloppé mes équipiers de toutes mes protections. Eternia a sorti de sa sacoche son dragounné et Héliad a lancé des flèches à tout va pour ralentir la progression de nos ennemis. Le vieux, toujours aussi pragmatique, à posé son coffre derrière un rocher, pas fou le loustic il comptait bien le remplir de poils, peaux et autre babioles. Le combat a durée une petite heure, les deux muses s’amusaient comme des folles, elles riaient bêtement à chaque coup qu’elles donnaient. Quand à Kricket ... que dire... cette bataille aurait pu être dans mes souvenirs un doux reflet de perfection si le lutteur n’avait pas passé tout le combat à gueuler « FRAPPEZ-MOI ! FRAPPEZ-MOI ! »

Les batailles suivantes ont été tout aussi fructueuses, tous ont mordu la poussière. Nous étions heureux, l’entraînement acharné imposé par le chef portait ses fruits, même un vieil ogre qui dépassait les 80 tonnes à trouvait la mort, non sans difficulté je l’admets.

A l’attention de l’éventuel lecteur pour qui la race des ogres est un mystère, j’adjoins à cette anale la définition faite par le Manuel du guerrier redouté.
« L’ogre, malgré sont apparence anthropomorphe n’a aucune parenté avec l’homme. Il se nourrit en moyenne vingt à trente fois par jour, essentiellement de viandes et de racines. Il grossir de cent kilos environ chaque année, donc plus la bête est imposante plus elle est vieille. Il dépasse rarement les 100 tonnes, car à ce stade de sa croissance, ses organes ont tendances à exploser sous le poids qu’ils soutiennent. L’on peu donc considérer que l’ogre a une vie relativement courte n’excédant pas les 10 ans.»

Chronique 7

« Dis-moi Eriaka, serais-tu atteinte de cécité depuis trois semaines ? »

J’étais encore dans mon pieu à moitié endormie. Avoir comme vision au réveil la gueule du chef à vingt centimètres de vous, croyez-moi ça vous donne envie d’vous rendormir illico presto !

« Je vous demande pardon ? »
« Ah je vois tu es frappée de surdité ! C’est peut-être une épidémie faut en avertir le toubib au plus vite ! »
« Bah enfin patron qu’est-ce qui vous prend et pourquoi vous êtes dans ma tente aux aurores ? Ya un problème ? Borgom s’est montré ? » Ptin c’que c’était dur de soutenir une conversation à jeun !
« Borgom ? Noooon il est encore en train de téter le poison qui lui sert de lait ! »
« Hein ? Je l’ai fixé un moment il a fait de même en répétant « Hein ? » comme s’il se foutait de ma gueule.
« J’comprends rien Chef... Bon ben, si ya pas d’urgence vous m’excuserez je vais aller brancher ma perf de cawa. J’suis cassée ... »
« Mais bien sur un café ! Je t’accompagne ! »
« J’aime pas ca. » Ai-je murmuré.

Je connaissais le vieux, quand il se la jouait guilleret, ça voulait dire que l’orage allait pas tarder à tonner.

« J’aime pas ça » Ai-je répété.
« Allons calme toi, c’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de siroter d’la caféine ensemble ! »
On n’avait pas fait trois mètres qu’il a commencé à cracher l’morceau.

« Vois-tu ce matin je me suis dis : Tiens ! Si j’allais rendre visite à Eriaka voir ce qu’elle devient ! Elle doit être SACREMENT occupée vu que depuis TROIS semaines les annales de la guilde font du SUR PLACE ! »

Et voilà ... Je savais qu’il y avait une nouille dans l’potage... Et au réveil en plus ! Le salaud ! J’allais trinquer...

« Ecoutez Chef... »
« Non, non ! Tu n’as pas à t’excuser, je comprends, tu es malade, je vais appeler le toubib sur le champ. »
« J’vais très bien. »
« Haaa, tu m’en vois soulagé. Alors je ne vois qu’une autre raison, les responsables du ravitaillement ont oublié de commander du papier et de l’encre, ne t’inquiète pas, ils vont m’entendre. »
« Mais non patron, j’ai tout ce qu’il faut. »
« Vraiment ? Non parce que vois-tu je m’suis dit : Vu que c’est le SCRIBE de cette guilde, si elle ne fait pas son BOULOT c’est qu’il doit y avoir quelque chose de grave ! N’est-ce pas ? »
« Le truc c’est que je m’suis lancée dans l’élevage de Chamodindes, histoire d’aider votre femme. Je m’suis dit, avec les jours sombres qui s’annoncent deux éleveurs c’est pas de trop dans la guilde. Va falloir agrandir les rangs de la cavalerie... »
« Heu redis-moi quand j’ai donné la permission à chacun de changer ses attributions à loisir sans m’en avertir ? »
« Bah... Vous l’avez pas fait. »

Merde j’savais plus quoi dire. J’espérais que la vioc ramène ses fesses en vitesse pour me servir mon café.

« Haaa tu me rassures ! J’ai cru un moment que la mémoire me jouait des tours ! »

Il s’est mis à rire, un rire qui sonnait faux et précédait le coup de grâce. Puis comme prévu, il a coupé net le son pour me balancer froidement : « T’as jusqu’à ce soir pour rattraper ton retard. Que je te voie traîner près des enclos et c’est ton oraison funèbre qu’il te faudra rédiger. J’me suis bien fait comprendre ? »
« C’est on ne peut plus clair Chef. »

Sur cette entrefaite Mamichup s’est amenée, un bonnet à fleurs enfoncé jusqu’aux oreilles, ceint d’un ruban rose, un masque d’argile vert qui faisait ressortir ses petits yeux porcins et ses lèvres fripées et une chemise de nuit imprimée de minuscules moineaux verts et bleus, trouée par endroit et qui était sans conteste beaucoup trop grande pour elle. J’ai du me retenir pour ne pas exploser de rire, le Chef aussi.

« Par tous les furoncles qui m’sortent du cul qu’est vous foutez ici ! A-t-elle gueulé. La cantine ouvre dans une heure, pas avant ! Alors virez vos tronches de là ! »

Erf, la situation allait dégénérer ... Ya des jours comme ça ou j’me dis qu’une retraite anticipée serait pas du luxe ...

« Ecoute-moi bien la vieille, m’asticote pas au réveil ! C’est moi le Chef dans ce camp et si je veux un café maintenant, tu me fais un café maintenant ! Bordel ! »
« Heu chef, j’suis pas sûre que ce soit la meilleure méthode avec la vioc »
« T’occupe pas de ça, cette fois ci j’vais pas abdiquer. Ca fait trop longtemps que cette face de rat n’en fait qu’a sa tête. »
« Ha ouè ? Vous voulez un café ? Pas problème, bougez pas ! »

Elle à disparut derrière ses fourneaux.

« Heu chef, là c’est pas bon, c’est pas bon du tout même ! La dernière fois qu’elle a dit ça le gars à mis un mois à s’en remettre. Vous vous rappelez ? »
« T’inquiète, elle osera pas. Timbrée mais pas suicidaire la vieille, crois moi. »

Une minute plus tard, elle a rappliqué avec un sac, une gourde et du bois.

« Voila patron, elle a balancé son fourbi sur la table avec fracas. Ça c’est le café, ici on a l’eau et j’suis sympa, je vous ai apporté du bois pour faire le feu et chauffer l’tout. Pas trouvé le sucre, m’est avis qu’yen a plus. Bon moi j’vous laisse, aujourd’hui j’prends des vacances. Vais m’faire bronzer sur une plage de la péninsule, parait qu’la chaleur c’est bon pour les hémorroïdes. Allez à demain. »
« Quoi ! Le vieux était au bord de l’apoplexie... Bordel reviens ici de suite ! Je t’interdis de franchir la porte ! »
Autant crier à un sourd qui vous tourne le dos.

« J’vous avais dit que c’était pas une bonne idée. »

J’aurais pas du dire ça, le Chef m’a fusillé du regard.

« Tout ça c’est d’ta faute ! Si t’avais pas foiré ton boulot ces trois dernières semaines on en serait pas là ! Alors écoute-moi bien, tu vas assumer tes erreurs et remplacer la vieille pour la journée aux cantines. »

« Hein ! Hè j’suis pas cuistot moi ! Vous l’avez dit vous-même j’dois rattraper mon retard ! »
« J’en ai rien à foutre, c’est ton problème. Démerde-toi pour que les gars aient de quoi grailler. Et estime toi heureuse, vu la bouillie que l’aut’ folle leur file tous les jours, t’es pas obligée de faire dans la qualité. »

Voila comment je me suis retrouvée à vivre l’une des pires journées de ma vie...
Moi qui ai besoin de calme et de silence le matin, j’ai dû répondre aux mêmes questions que me posaient tous les gars lorsqu’ils me voyaient aux fourneaux :
« Qu’est-ce que tu fous là ? Elle est morte la vioc ? Elle a été virée ? T’es plus scribe ? Ya du sucre ? T’as pas plus fort comme café ? » etc ...

J’en pouvais plus... Le paroxysme de mon calvaire fut atteint avec l’arrivée d’Aurel ... le bras droit du Toubib. Ce type est capable de vous parler sans reprendre son souffle pendant une heure, dans un débit proche de la vitesse du son ! Et encore s’il ne faisait que parler mais lorsqu’il est en forme et c’était le cas ce matin, il chante ! Oui, oui. Oh pas des chansons paillardes comme on aime les brailler dans la guilde, non, des chansons sur la vie, l’amour, l’amitié ... Il m’a épuisée ... Le pire, c’est que je ne comprenais rien à c’qu’il me disait, un mélange de paroles et de chansons sans queue ni tête....

"Ouè c’est trop galère maintenant à obtenir les étoffes de soie sauvage même en vente... vu que les gobelins ne sortent plus de leur trou... Emporté par la houle qui vous traîne vous entraîne...t’as pas vu Kricket ? Si encore je pouvais tuer seul des orcs ca m’aiderait pour confectionner le sortilège de protection pour ma cape mais... I feel good ! tululululu... I feel so good.... Au fait j’t’ai pas dit j’suis passé maître soigneur ! J’ai un halo en permanence autour du crane, tu l’ vois ? Dis tu l’ vois ? Frère Jack, frère Jack, pioncez-vous ? Pioncez-vous ? T’as pas vu Kricket ? Me faut un cordonnier pour de nouvelles bottes, j’hallucine comme c’est facile de soigner maintenant, dès que t’es maître c’est plus facile ! Si un joooouuuur la vie t’arrache a mooooiiii, que tu meurs que tu sois loin de moiiiiii , peu m’impooooorte si tu m’aiiiimeeees... Bon j’ dois y aller à plus !!! "

Ptin mais il carbure à quoi le saligaud ?!!!!

Chronique 6

Nous aurions dû sentir venir le vent de la panique et du changement, nous aurions dû faire preuve de plus de clairvoyance à la vue du mouvement des astres.

Hastur est rentré au bout du septième jour, la mine sombre et la démarche lourde. J'ignorais ce qui s’était dit lors du conseil de Lokpo mais il nous revenait d’une humeur massacrante. Tous mes frères d’armes se sont agglutinés autour de lui pour entendre les nouvelles.
« Alors chef, c’était quoi ce conseil ? A demandé Dimo, un chevalier qui en avait bavé pendant cette semaine de macramé. J’espère qu’il n’est pas question de traité de paix ou une connerie de ce genre ! Une semaine au repos c’est bien suffisant ! » A-t-il grogné.
Le vieux l’a foudroyé du regard.

« T’insinue que ma femme sait pas diriger un camp ? »
« Heu non, elle assure vot femme mais ... »
« Laisse tomber, la paix c’est pas pour demain. Je peux rien vous dire pour l’instant les gars faut que je cause avec les gradés d’abord. Tous les protecteurs de la guilde dans ma tente à midi. Eriaka tu viens aussi, ce qui va ce dire doit être consigné dans les anales et je veux y voir aussi ton mari. La route a été pénible, je vais me reposer un peu. Que personne ne me dérange. »

A midi nous étions sous la tente du chef : les protecteurs Vrael et Hodge, manquait Plomb toujours d’astreinte sur Ambilol. Y’avait aussi Led-Shrrg, en train de se curer les dents avec un couteau assez aiguisé pour vous trancher la gorge, Eternia et mon mari.

« Pourquoi il est là lui ? » a demandé hargneusement le moustique en regardant le nécrop.
« C’est aussi un protecteur de la guilde. » A répondu froidement le chef
« A ouè et depuis quand ?! » Le moustique ne pouvait pas voir en peinture Led, il savait que son comparse de beuverie et d’arnaque n’était plus là à cause de lui.
« Depuis que je l’ai décidé ! Bordel j’ai pas le temps pour ces conneries alors assieds-toi et commençons ! »
Vrael a ruminé en silence sans rien ajouter.

« Bon, je vais pas tourner autour du pot, on est dans la merde. D’après le mage Olk, tous les signes laissent à entendre que Borgom est de retour. »
« Quoi ! S’est écrié Hodge. C’est impossible ! »

« Heu, chef, je ne voudrais pas manquer de respect à Olk, ai-je ajouté, mais il n’aurait pas un peu trop fumé d’herbe à Troll ? Borgom est mort au cas où vous l’auriez oublié. Noshiro l’a tué ça fait des siècles maintenant ... »
« Bordel je sais tout ça ! Vous pensez bien qu’on a dit la même chose au mage ! Mais d’après lui quelqu’un aurait trouvé le moyen de le ramener à la vie ! »
« C’est affreux, affreux... » Répétait Eternia, le visage terrifié.
« Ça ne sert à rien de céder à la panique mon cœur. Olk dit qu’on a du temps pour nous préparer. D’après lui le dragon est encore jeune et faible. Si on arrive à le dénicher dans les années qui viennent on devrait pouvoir le vaincre. »
« Et on a une idée d’où il se trouve ? » A demandé Ecce-Deus.

« Aucune et c’est pour ça que je t’ai fait venir. Tu connais du monde dans beaucoup de guildes, je te charge d’entrer en contact avec eux pour dénicher la moindre information susceptible de nous aiguiller. Ecoutez-moi bien, il n’est pas question qu’on se laisse intimider par une légende ! Ok ce monstre est sans doute le mal le plus ignoble que la vie ait engendré mais on n’est pas des saints non plus ! Donc à partir de demain je veux tout le monde à l’entraînement ou au combat, cinq escouades de huit hommes armés sur les routes en permanence. Ordonnez aux artisans de confectionner des armures plus solides, quelles que soient les ressources qu’ils demandent on leur fournira, pareil pour les armes, je veux des arcs qui puissent tirer une flèche depuis Tynda pour aller se planter dans les remparts de Moriok, je veux des haches assez tranchantes pour fendre en deux un If-Fou du premier coup ! Je veux l’impossible quoi ! Faut qu’on soit prêts le moment venu ! Ya rien à ajouter, que chaque protecteur aille annoncer la mauvaise nouvelle à sa garnison et qu’on ne me dérange plus de la journée ... Je désire profiter de ces derniers instants de calme avec ma femme. »

Dans un silence lourd de tension, nous sommes tous sortis.

Chronique 5

Led avait intégré la guilde depuis une semaine. Les gars l’avaient vite surnommé Led-Shrrg à cause de ses phalanges qui raclaient la poussière. Je n’arrivais pas à m’y faire ... Ce bruit avait le chic pour me rendre nerveuse et je n’étais pas la seule.
Pour ajouter à la tension générale, le chef était parti à la hâte depuis cinq jours. Une missive l’enjoignait de rejoindre au plus vite Lokpo. Un conseil exceptionnel allait s’y tenir qui réunirait tout les chefs de guilde, Moriokienne et Tyndanienne confondues ... De mémoire d’homme, jamais pareil rassemblement n’avait eu lieu dans le royaume. Bien sûr, la lettre n’expliquait pas la raison de cette convocation mais elle provenait d’Olk en personne et nul ne conteste les décisions du mage ...

Le vieux nous avait laissé sous le commandement de sa femme ... Eternia sait combien je la respecte et apprécie son esprit subtil au milieu de cette bande de barbares, mais bon sang lui confier la direction du camp ! Même pour quelques jours ! C’était comme demander à une gentille maîtresse de faire visiter un musée de porcelaine à des ados sous amphétamines ! Dès le premier jour de son intendance elle a annoncé la couleur ...

« Bien, mes amis, j’ai de bonnes nouvelles pour vous. En l’absence de mon mari, toute expédition dangereuse est annulée ! Je vous apprécie trop pour être responsable du moindre accident ... »

Les gars ont tiré une tronche d’ahuri à rendre jaloux le plus crétin des crétins ! Seuls Senseï et Ibéria ont soupiré de bonheur à l’idée de pouvoir passer des heures dans les prairies à gambader, main dans la main ... Les amoureux comme on les surnomme. Beaucoup se demande pourquoi ils se sont enrôlés dans la guilde ! Pas faits pour le combat.... C’est l’amour qui les anime pas les armes... entre elle qui lui fait les yeux doux entre deux tirs de flèche, et lui qui l’attire contre son torse nue dès qu’elle est dans sa ligne de mire ! P’têtre que certains voudraient les voir partir mais j’espère que ca n’arrivera pas... Ils nous rappellent qu’on est humain... au milieu de tout ces morts ça fait du bien.


Devant le silence général, Eternia a ajouté :

« Allons, allons, je sais combien il est dur pour vous d’exprimer votre gratitude en public. Ne vous en souciez pas, votre silence parle de lui-même. »

C’est sans doute ce qui me plaît le plus chez elle. Cette bonté, qui lui fait voir le monde avec une telle compassion que les messes basses ou les sous-entendus n’y ont pas leur place.

« Bien, voici le programme que je nous ai concocté pour les jours à venir ! A-t-elle poursuivi. Nous allons follement nous amuser ! Tout d’abord, un petit jeu de course et d’habileté au cours duquel il faudra attraper les moutons du cheptel qui nécessitent une tonte, vous profiterez également de se temps d’accalmie pour nettoyer vos tentes qui, croyez moi, ne sentent pas la rose. J’aurai besoin de quelques téméraires, pour administrer à mon dragouné un sirop pour la toux, le pauvre a une angine qui l’empêche de cracher son feu correctement. Ho j’oubliais, pour ceux que cela intéresse, ce soir naissance, si tout ce passe bien, de chamodindes. Un beau spectacle en perspective n’est-ce pas ? Une fois toutes ces tâches accomplies et bien nous verrons ... Je suppose qu’une escapade dans le repère des lutins champêtres ne serait pas imprudent à condition que Vrael et ses assistants nous accompagne. »

A cet instant, le plus crétin des crétins aurait rebroussé chemin, persuadé de ne pouvoir récupérer son titre ...

« Chef, je trouve tout ceci très palpitant. Sincèrement j’aimerais participer à toutes ces activités mais je me suis engagé auprès d’un ami pour l’aider à combattre une vouivre. Pourrais-je avoir une dérogation pour le rejoindre ? »

C’était mon mari. Il avait sorti tout l’attirail pour obtenir gain de cause : yeux de velours, voix chaude qui ronronne, ton condescendant, sourire de bellâtre et bien sur cette fabuleuse introduction : « chef », histoire de ne pas remettre en cause le commandement d’Eternia. Le saligaud, il savait y faire !

« Une vouivre ?! C’est sans doute l’un des monstres les plus redoutables de ce royaume ! Je ne peux pas t’autoriser une telle escapade, je suis désolée, s’il t’arrivait malheur je ne me le pardonnerais pas. »

« Vous avez raison chef, mais je n’aurai jamais osé vous demander cela si je n’étais pas sûr de la victoire. Voyez-vous l’ami en question est Roublas, l’un des nécrop les plus ancien du royaume. Il combat des trolls et des centaures les yeux fermés. De plus je ne ferai qu’assister au combat Sincèrement, cette vouivre n’a aucune chance.... »

Là, les gars ont balancé un coup d’œil à Ecce-Deus comme s’il s’agissait de l’ennemi à abattre ... Non seulement il allait se payer du bon temps au combat mais en plus avec un nécrop ! Je connais bien mon mari, je suis persuadée qu’intérieurement il jubilait... Il n’avait jamais fait de distinction entre les races, pour lui seul l’individu comptait.

« Bon, je te fais confiance. Si c’est avec ce nécrop effectivement le risque est moindre. »

A cet instant, certains ont vu là le filon à exploiter ... Le lutteur Kricket a fait une tentative trop chaotique pour sembler vraie.

« Heu, m’dame moi aussi j’ai une proposition pour un If-Fou ... Tranquille j’vous promets... avec des potes à moi, d’vrais tueurs. Zont beaucoup d’expérience alors un arbre ensorcelé... Pouaf ... Vous imaginez ... Two fingers in the nose ... C’est pas les yeux fermés qu’on le butte, c’est les mains attachées ... Une vieille souche quoi, pour alimenter le feu ce soir... J’peux y aller ? »

« Certainement pas ! Une exception pas deux ! »

Là, les gars ont balancé un coup d’œil à Ecce-Deus comme s’il s’agissait de l’ennemi à torturer avant de l’abattre ...

Voilà comment nous avons passé une semaine à rien foutre, à tournoyer comme des guêpes prises au piège. Nos dards étaient à l’affût du moindre incident, prêts à piquer. Mettez une cinquantaine de guerriers au repos forcé et vous regretterez les coups d’état, les intrigues et les meurtres qui réclament vengeance ! Exception faite d’Eternia, qui conserva ses résolutions. Loin d’être bête, elle avait très vite compris que ses projets n’obtenaient pas l’approbation générale, mais cette bonne femme a un sacré tempérament. Au bout du troisième jour, elle a rassemblé tout le monde et d’une voix tranchante à déclaré :

« Vous croyez que je ne sais pas ce qui se murmure lorsque j’ai le dos tourné ?! Vous croyez que j’ignore vos combines pour pouvoir vous échapper et aller briser quelques nuques ? Le premier qui ose sortir de ce camp sans ma permission devra répondre de ses actes devant mon mari dès son retour ! Est-ce clair ? Je suis peut-être trop fleur bleue à vos yeux mais personne, vous m’entendez, personne ne mourra sous mon commandement ! Il n’est pas question que ma conscience me hante le reste de mes jours pour la mort de l’un de vous !!! »

Eternia ne s’énerve pas souvent, Eternia ne s’énerve jamais pour ainsi dire ... Mais là ... Pffff ... j’crois qu’on a tous regretté de ne pas aimer le crochet et les jeux de société ...

Chronique 4

Le lendemain, la rumeur d’un nécrop parmi nous s’est engouffrée dans les rangs comme un vent pestilentiel, apportant son lot de cris et de contestations. Beaucoup dans la compagnie ont parié sur leur pouvoir de dissuasion pour faire revenir le vieux sur sa décision ... C’était sans compter sur la ténacité du chef ! Certains menaçaient de quitter la guilde. « Bonne route ! » leur balançait Hastur avec détachement. D’autres, plus malins, mettaient en avant d’un ton faussement alarmé qu’un accident était vite arrivé, que le type risquait d’y passer.
« Faudra qu’tu m’expliques comment on bute un macchabée ! » rétorquait le vieux hilare.

Durant toute la journée qui a suivi mon escapade nocturne, j’ai vu défiler la plupart des hommes dans la tente d’Hastur, aussi furax à l’arrivée qu’au départ. En temps normal, lorsque ce genre de crise surgit au sein de la guilde, Eternia s’affaire à concilier tout le monde, à apaiser les rancœurs de chacun, elle a un don pour ça. Ce ne fut pas le cas. Elle demeura indifférente au tumulte qui animait les troupes, solitaire, accoudée à la barrière de l’enclos où cavalaient bêtement ses chamodindes comme des bigotes effarouchées par une horde de trolls en rut. Sans doute le souvenir de ses bêtes tombées la veille au combat la rendait insensible aux tourments des autres, sans doute ... Je peux comprendre ...

Lorsque le Toubib et Plomb ont fait leur apparition en fin de matinée, le corps imbibé d’alcool, la démarche houleuse, le chef s’est carré sur leur passage, flanqué de deux chevaliers à la mine patibulaire.

« Le buffle, a-t-il ordonné à Plomb, ramasse le tas d’ordures qui se sert d’affaires ! Tu pars pour Ambilol dans la demi-heure, j’ai une mission pour toi. »
« Peu pas dormir un peu avant ? J’ai la tronche qui m’joue la 5ème symphonie d’Inguain. »
« Ya pas écrit centre de vacances sur ma gueule !!! A hurlé le vieux. Bordel ! Si tu veux pas entendre les trompettes de Zarg te jouer la charge héroïque, t’as intérêt à t’magner l’troufion !!! »
« C’est bon, criez pas, patron. Ca m’laboure les méninges...» A marmonné le buffle en s’éloignant.
« Vu l’état dans lequel il est j’crois qu’je vais devoir l’accompagner. L’enfant d’salaud a noyé le peu d’neurones qui remplissent sa cervelle dans la vinasse la nuit dernière. S’rait capable de faire escale sur l’ile du Repos pour s’faire bronzer ! »
« T’iras nulle part ! Ya une pelletée d’blessés qui t’attendent ! Le duo poivrot et poivrot c’est fini ! Terminé ! Va faire ton boulot avant que j’t’expédie dans la catégorie estropié ! »
Le toubib est resté comme deux ronds de flan ...

Chronique 3

La nuit œuvrait depuis longtemps pour favoriser les traquenards et les mensonges propices aux ombres malveillantes. Dans le campement, mes frères d’armes combattaient les multiples démons qui peuplent leurs cauchemars. Seuls le Moustique et le Buffle n’étaient pas rentrés de leur virée nocturne. Sans doute passeraient-ils la nuit dans un tripot malfamé.
Quand ils ne sont pas occupés à se chercher des noises, ces deux là font la paire pour détrousser aux dés les marins de passage.

Je n’arrivais pas à trouver le sommeil, j’avais passé une sale journée. J’ai donc pris ma plume pour retranscrire notre échec cuisant de l’après-midi contre un griffon ... On avait subit de sacrées pertes, le piaf s’était révélé plus résistant que prévu. On a beau dire sage comme un hippogriffe, la bestiole n’avait pas hésité à faire preuve de sauvagerie pour sa survie. Normal me direz-vous, personne n’ouvre les bras devant l’ennemi et salut l’arme qui lui ôte la vie. C’est sur, seulement au moment de passer à l’attaque, ya toujours cette petite pensée stupide « t’inquiète t’es l’plus fort, c’est qu’un monstre sans cervelle. » qui traverse votre esprit. D’où l’désarroi lorsque le monstres en question lacère de ses griffes empoisonnées plusieurs de vos camarades et se révèle plus intelligent que prévu. Le soir, personne n’avait eut le cœur à festoyer. Eternia était de nous tous la plus à plaindre. Beaucoup de ses bêtes avaient mis un point final à leur destinée.

Shrrg ... Shrrg ... Shrrg ... Le bruit a attiré mon attention. L’éclat livide de la pleine lune a dessiné sur la toile de ma tente une haute silhouette rachitique. La Peur a lâché sur moi sa meute de chiens enragés et leur haleine glacée à saisi d’effroi mon corps engourdi.
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Shrrg ... Shrrg ... Shrrg ... C’était un bruit venu de l’au-delà, un bruit qui devançait la mort. Je connaissais ce son funèbre, je l’avais déjà entendu. Un Nécrop ! Dans notre campement ! Bordel !

J’ai foncé vers ma couche pour réveiller mon mari. Ecce-Deus c’est son nom. Un poil mégalo le type pour porter un nom pareil me direz-vous... Pas vraiment, c’est juste un pseudo pour paraitre plus important auprès des puissants et obtenir d’eux ce qu’il désire. Pour un forintien cela semble logique, car la ruse fait vibrer ses méninges 24h00 sur 24. On compare les forintiens aux chats de l’antiquité qui gouvernaient les régions du sud, entre la péninsule des gnomes et le delta d’Entaria. D’après la rumeur, ils en seraient les descendants direct, d’où cette agilité, ces yeux en forme d’amande et cette pilosité abondante qui les caractérise. Vous trouverez d’ailleurs dans chaque cité forintienne une statue en l’honneur d’Atala, reine des félidés. Dans les veines de mon mari coule ce sang vif et indomptable. Si vous vous rendez au village qui borde la rivière Goz, là où les huiles du royaume viennent en villégiature, vous le croisiez peut-être en train de discuter avec le gotha ou encore de provoquer en duel ses adversaires pour montrer sa valeur. Aussi talentueux pour draguer les minettes que pour vous dégoter les tenues de combat dernier cris. Ça fait longtemps que j’ai arrêté de le suivre dans ses calculs pour trouver les meilleurs équipements, trop compliqué. Peux pas dire qu’il ramène beaucoup de tune mais il a d’autres qualités et il me plait tel qu’il est.

J’ai donc foncé vers lui, ses ronflements rappelaient un orage lointain...

« Réveille-toi ! Ai-je murmuré. Bon sang, par toutes les matrones d’Alwatath tu vas te réveiller ! »

Le sommeil de mon mari maintenait son emprise avec une facilité déroutante. C’était une bataille perdue d’avance. Comme dit le dicton « chat qui dort fait concurrence aux morts ».

Sans trop réfléchir j’ai enfilé à la hâte ma cape et la peur au ventre je me suis engouffrée dans l’obscurité. Fallait prévenir le chef au plus vite. La vue de sa tente éclairée m’a rassuré, il ne dormait pas. Peut-être avait-il lui aussi senti la présence du nécrop ....

« Chef, c’est Eriaka, je peux entrer ? C’est important. »
« Entre. »

Quand j’ai soulevé la tenture, il se tenait assis sur son coffre, tout habillé comme s’il s’apprêtait à partir au combat. Y’avait une étrange lueur dans ses yeux, la lueur d’un type qui s’apprête à vous jouer une farce qu’il sera le seul à trouver de bon goût. J’ai pas aimé, mais la raison de ma visite était plus importante, j’ai donc relégué dans un coin poussiéreux de ma cervelle mes doutes.

« On a un gros problème patron ! Un nécrop se ballade dans le campement ! »
« Un nécrop, vraiment ? »

Ptin il était vraiment trop calme, la nouvelle aurait dû l’alarmer autant que moi. La Guilde ne recrutait pas de nécrop, c’était le règlement. Ces types, on ne pouvait pas leur faire confiance. Ils avaient la faculté de devenir invisible durant les combats, en profitaient pour fouiller dans vos poches ou encore vous foutre la main aux fesses ! Mais pire que tout c’était des macchabés, à l’apparence morbide car dépourvu de chair, revenues pour faire la nique à leur destiné et continuer de vivre.

« Ouè, ai-je insisté. Un sac d’os se tape l’incruste ! Faut faire quelque chose ! »

C’est alors que son regard s’est fixé sur un point sombre de la tente, une ombre s’est mise à bouger.

« Un nécrop dans ce genre ? » a demandé le chef d’un ton amusé.

L’ombre filiforme s’est avancée dans la lumière, révélant un guerrier Nécrop.

« Gribouille, c’est comme ça que me surnomme le chef ... je déteste, je te présente Led. Il rejoint la Guilde. »

J’ai cru déceler dans le visage osseux du nécrop un sourire démoniaque. Bien qu’à cet instant les chiens enragés de la Peur dévoraient mes entrailles, je ne me suis pas écroulée.

« P’tin patron vous n’allez pas enrôler un macchabée ! C’est contraire au règlement ! »

« C’est moi qui fait le règlement bordel ! Le vieux était furax. Après le fiasco d’aujourd’hui j’enrôle qui je veux ! »

J’ai hésité à poursuivre... Je risquais fort de m’attirer les foudres du patron... Puis d’un coup la trombine poilue du Buffle s’est dessinée dans ma tête.

« Et pour Plomb vous comptez faire comment ? Vous croyez ptêtre qu’il va l’accepter sans rien dire ? »

Plomb vouait une haine sans égale pour les nécrops... L’un d’eux avait tué ses parents lorsqu’il était enfant.

« J’y ai déjà réfléchi. Il va aller faire un séjour sur l’ile d’Ambilol étudier les plantes venimeuses de la forêt. »
« J’suis pas sure que le toubib apprécie beaucoup. »
« Je me contrefous de ce que pense le toubib ! Bordel, ça leur fera pas de mal à ces deux là d’être séparés un temps ! »
« Ouè mais... »
« Ya pas de mais ! J’suis crevé, j’veux dormir alors tire-toi. »

J’ai balancé mon regard le plus noir au nécrop, ce salaud ma salué avec une condescendance pleine de sournoiserie comme s’il se foutait de moi. J’ai tourné les talons, et suis repartie en fulminant.