Trois jours à errer dans les égouts inondés de Tynda ... Les gars n’en pouvaient plus de ratisser l’endroit. Comme si devoir passer ses journées sous terre en compagnie de rats répugnants ne suffisait pas, il nous fallait en plus supporter des effluves dignes des plus grande décharges d’Olso ... un mélange de chat crevé et de poisson en décomposition. Notarion, l’architecte en charge de la cité n’avait pas fait les choses à moitié. Sous toute la ville se déployait un dédale inspiré des plus grands labyrinthes. Aussi passions-nous plus de temps à chercher les hommes égarés qu’à renifler des indices susceptibles de démasquer les borgs. Pour ajouter de la galère aux galériens, le niveau de l’eau arrivant à hauteur de taille, il fallait évoluer dans de petites barques louées au rabais et dont la coque moisie par endroit nécessitaient en permanence un type d’astreinte à l’écope. L’idée venait de Loistic, et malgré l’état pitoyable des embarcations nous avions loué l’érudit pour cette solution de fortune. Faut dire qu’une goutte aurait suffit à vous filer la polio. L’image de mon corps plongeant dans ces eaux troubles me donnait la nausée et je savais mes frères d’armes tout aussi écœurés par la puanteur qui s’en dégageait, enfin presque tous.... Les meneurs vous le diront, chaque guilde transporte son lot de mercenaires timbrés inconscients du danger, Rayani n’échappe pas à la règle ... Les notres s'appellent Manfriine, Romuluss et Gurre, les cousins élevés au lait de chamodinde sur les crêtes montagneuses de Seng, des vétérans à la peau aussi dure qu’un crocodile et aux diverses cicatrices, trophées de guerre dont ils se vantent. Sur leur torse on peut également voir une multitude de petites croix tatouées... Une croix par monstre ou homme tué, petit ! Crachent-ils froidement aux nouvelles recrues. Je dois admettre que leur survie à tant de batailles force l’admiration. Des montagnards au courage sans faille mais à la réflexion souvent défaillante... Notre trio d’allumés... Dans les égouts ils prenaient plaisir à suivre leur escadron à la brasse. Nous avions beau les mettre en garde, ils riaient avec désinvolture en nous traitant de poules mouillées, ce qui me semblait totalement déplacé vu qu’ils dégoulinaient de toute part...
Premier jour ...
Je me suis retrouvée enrôlée dans une unité de foire ... Yavait un Kricket surexcité ; Keelow, un autre lutteur tout aussi masochiste ; Aurel en pleine forme ; mon mari, le poil hérissé à l’idée de couler ; Loistic et son élève Popy. On n’avait pas fait dix mètres qu’Aurel a commencé à fredonner, debout sur la barque, une longue rame entre les mains .... Que c'est triste Tynda, au temps des amours mortes, que c'est triste Tynda, quand on ne s'aime plus.... Je me suis demandé un instant s’il tenait l’équilibre et si « non », s’il pouvait couler... Mon altruisme a vite renoncé à tenter l’expérience au grand dam de mes oreilles.Derrière, mon mari, un seau entre les mains, écopait comme un forcené en répétant constamment « On serait pas en train de couler ? Dis ma femme, t’as pas l’impression qu’on coule ? » Ce a quoi je répondais systématiquement « Non. »
Premier jour ...
Je me suis retrouvée enrôlée dans une unité de foire ... Yavait un Kricket surexcité ; Keelow, un autre lutteur tout aussi masochiste ; Aurel en pleine forme ; mon mari, le poil hérissé à l’idée de couler ; Loistic et son élève Popy. On n’avait pas fait dix mètres qu’Aurel a commencé à fredonner, debout sur la barque, une longue rame entre les mains .... Que c'est triste Tynda, au temps des amours mortes, que c'est triste Tynda, quand on ne s'aime plus.... Je me suis demandé un instant s’il tenait l’équilibre et si « non », s’il pouvait couler... Mon altruisme a vite renoncé à tenter l’expérience au grand dam de mes oreilles.Derrière, mon mari, un seau entre les mains, écopait comme un forcené en répétant constamment « On serait pas en train de couler ? Dis ma femme, t’as pas l’impression qu’on coule ? » Ce a quoi je répondais systématiquement « Non. »
Loistic, assis en tailleur à la proue du bateau, était en pleine élucubration sur la logistique déployée pour obtenir cette merveille de technologie qu’étaient les égouts...
« Il ne fallut pas moins de dix mille hommes pour creuser ces soubassements, évitant ainsi à Tynda de connaître les affres de l’inondation mais également toutes sortes de pandémies courantes aux infrastructures insalubres. Traduction »
« Haut d’sus d’nos têtes si les planqués s’prélassent dans des draps d’ soie au sec et au propre c’est grâce à ces égouts d’malheur qui récoltent toute la merde. »
« De facto, nous nous trouvons dans un vivier ou regorge les micro-organismes porteurs de germes malsains. Aussi je ne saurais que trop vous conseiller de redoubler de prudence quant à votre hygiène. Traduction.»
« Donc, si vous voulez pas ressembler au cul de Mamichup pensez à vous laver de fond en comble en sortant. »
Le summum fut atteint avec les deux lutteurs assis côte à côte... J’ai eu tout à coup la désagréable sensation de faire un bond en arrière pour me retrouver dans une cour d’école...
Sans prévenir Kricket a ouvert les hostilités en balançant à son homologue :
« Tu m’as regardé et tu t’es foutu de moi là ? J’permets à personne de se moquer d’moi ! »
« Hé ho ! T’es malade mon gars ! »
« Tu crois qu’tu m’fais peur ? Bah vas-y FRAPPE moi et tu verras ! »
« On m’la fait pas! Toi, FRAPPE moi d’abord et t’auras droit à mon remerciement ! »
« Wouè c’est ça t’as peur hein. Allez quoi vas-y FRAPPE moi, FRAPPE moi j’te dis mauviette !!!! »
« Dans tes rêves ! Toi d’abord. » « Non, toi d’abord » « Non, toi d’abord. » « Non, toi d’abord »... etc ... etc ...
La journée s’est écoulée comme ca... Avec une lenteur égale à celle des flots qui nous portaient... A part quelques groupes de rats que les lutteurs s’empressaient de tuer, nous n’avons rien vu susceptible de dénoncer la présence des borgs.
Le soir en me couchant, j’avais d’étranges phrases involontaires qui cognaient contre les parois internes de ma boîte crânienne... J’ai bien cru un instant que la folie allait m’adopter... « Que c’est triste Tynda au temps des FRAPPES mortes... Surtout lorsque dix mille hommes ressemblent au cul de Mamichup qui coule, qui coule. Tu trouves pas ? Que c’est triste Tynda quand on n’se lave plus... De facto toi d’abord, non toi d’abord... »
Deuxième jour...
Je suis allée direct à l’auberge du Férayeur où logeait le vieux et de but en blanc je lui ai balancé :
« Soit vous m’ changez d’escadron soit j’ quitte la guilde ! »
Le vieux m’a reluquée des pieds à la tête, puis le plus tranquillement du monde il a craché son tabac à chiquer dans une écuelle avant de me répondre :
« On dirait qu’t’as pas apprécié ta sortie d’hier... »
« Vous plaisantez ? Ma journée à faire la tambouille pour les gars c’était du repos à coté ! »
« Ok, ok, calme toi j’vais arranger ça... »
Pourquoi j’avais l’impression qu’il me mentait ?
« Heu, Chef, pas d’coup fourré n’est-ce pas ? »
« Pour qui tu me prends ! Rends toi devant l’arène dans une heure tu partiras avec la première patrouille de la matinée. »
Une heure plus tard, je découvrais ma nouvelle escouade... Le salaud, j’aurais dû me douter qu’il manigançait un truc tordu ! Mamichup ! Dans le groupe ! Heu quand je dis « groupe » j’entends par là le trio des cousins timbrés et histoire d’ajouter du piquant dans cette escouade déjà bien pimenté Vrael et Plomb, de retour d’Ambilol ! Les deux lascars avaient, de toute évidence, passée la nuit à boire autre chose que la pluie des borgs pour fêter leurs retrouvailles !!! J’ai cherché du regard Hastur, en vain... Je me suis maudit... Voila ce qui arrive quand on menace le Chef !
La mine renfrognée, j’ai rejoint la vieille en trainant les bottes.
« Dis tu devrais pas préparer le déjeuner toi ? »
« C’est c’que j’fais. »
« Comment ca ? »
« Ya plus d’ viande, alors m’en vais en chasser. »
« Heu tu sais en dessous tu trouveras rien d’autre que des rats. »
« Bah c’est d’ la viande que j’sache ! »
« Quoi ? Nan mais t’es barge ! On va pas bouffer du rat, tu veux qu’on crève ?! »
« C’est la guerre ma ptite ! On fait pas dans la dentelle, en temps de guerre, alors ton coté chochotte tu l’gardes pour ta grand-mère, chez moi c’est pas des madeleines que tu boufferas ! Mais t’inquiète, j’m’y connais en microbes et ces saloperies survivent pas à cinq heures d’ébullition rehaussée ‘une trentaine de piments des landes. »
« Le Chef est au courant ? »
« En quoi ça le concerne ! C’est pas lui qui va dépecer les bêtes alors j’vois pas l’intérêt d’affoler les deux neurones qui lui reste ! Et t’avise pas d’aller lui raconter la chose, parce que c’est cru que tu l’boufferais le rat c’est clair ? Pour l’vioc j’suis d’sortie histoire de prendre un peu l’air, l’affaire s’arrête là.»
Prendre un peu l’air dans des égouts... Yavait qu’ la vieille pour pourvoir invoquer un prétexte aussi bidon tout en restant crédible.
Je m’étendrai pas sur cette matinée ...
En résumé ce fut une aventure du genre : Eriaka rame et écope en même temps... surveille les alentours à l’affût du moindre indice, flippée devant la décontraction des autres... défend la troupe lorsque les rats attaquent... et de manière constante en a rats le bol ! Les autres me direz-vous ? Et bien Mamichup s’affaire à dépecer ses bestioles et à les mettre en boîte avec une froideur angoissante, le trio enchaîne les défis de cent mètres crawl, quatre cents mètres brasse, deux cents mètres crasse et les deux comparses font honneur à la liqueur de scorpion ramenée par Plomb. Merci Chef !
3eme jour ...
La veille au soir, auprès d’Hastur, j’avais joué mon plus beau rôle de femme au bord de la dépression, les larmes, les tremblements, l’épuisement et tout le tintouin. Je l’ai supplié, reléguant mon amour propre dans un coffre...
« J’vais être franc avec toi, Gribouille, tous les groupes sont au complet exception faite d’un où il reste une place. Pour tout te dire, ça va pas te plaire, mais à y réfléchir c’est pas plus mal que t’en fasses partie. Je veux que tu retranscrives la façon dont ces types se comportent lorsque j’ai le dos tourné. »
« De qui s’agit-il ? »
« De Led et ses frères. »
Les frères en question étaient des voisins de cimetière recrutés la semaine précédente. Tous aussi flippants les uns que les autres. Je suis devenue livide.
« T’es pas obligée de chercher à leur ressembler. »
« C’est pas drôle. »
« Bordel, ils sont déjà cannés, ils vont pas te bouffer ! Et puis tu seras pas seule, ma femme t’accompagnera, à l’instar de toi elle cherche à faire connaissance pour approfondir son savoir sur les macchabés. »
Saint patron des Zonts, loué soit-tu ! Enfin une personne normale pour me tenir compagnie ! J’ai accepté sans rechigner...
Le lendemain, alors que Led et ses frères Malienor, Sleef et Orik nous attendaient devant l’arène, trempés littéralement jusqu’aux os, le chef a débarqué.
« Rassemblement immédiat sur la place marchande ! Nous partons dans l’heure pour les landes de Nowogard ! Les Borgs ont été repérés dans la caverne des aranéides. L’ennemi s’est révélé plus puissant que prévu, d’après les nouvelles, les pertes sont sérieuses. Toutes les guildes doivent rejoindre les landes au plus vite pour prêter main forte. Magnez vous l’troufion, on n’attendra pas les retardataires et équipez-vous pour le combat. L’heure de la vengeance a sonné ! ».
« C’est c’que j’fais. »
« Comment ca ? »
« Ya plus d’ viande, alors m’en vais en chasser. »
« Heu tu sais en dessous tu trouveras rien d’autre que des rats. »
« Bah c’est d’ la viande que j’sache ! »
« Quoi ? Nan mais t’es barge ! On va pas bouffer du rat, tu veux qu’on crève ?! »
« C’est la guerre ma ptite ! On fait pas dans la dentelle, en temps de guerre, alors ton coté chochotte tu l’gardes pour ta grand-mère, chez moi c’est pas des madeleines que tu boufferas ! Mais t’inquiète, j’m’y connais en microbes et ces saloperies survivent pas à cinq heures d’ébullition rehaussée ‘une trentaine de piments des landes. »
« Le Chef est au courant ? »
« En quoi ça le concerne ! C’est pas lui qui va dépecer les bêtes alors j’vois pas l’intérêt d’affoler les deux neurones qui lui reste ! Et t’avise pas d’aller lui raconter la chose, parce que c’est cru que tu l’boufferais le rat c’est clair ? Pour l’vioc j’suis d’sortie histoire de prendre un peu l’air, l’affaire s’arrête là.»
Prendre un peu l’air dans des égouts... Yavait qu’ la vieille pour pourvoir invoquer un prétexte aussi bidon tout en restant crédible.
Je m’étendrai pas sur cette matinée ...
En résumé ce fut une aventure du genre : Eriaka rame et écope en même temps... surveille les alentours à l’affût du moindre indice, flippée devant la décontraction des autres... défend la troupe lorsque les rats attaquent... et de manière constante en a rats le bol ! Les autres me direz-vous ? Et bien Mamichup s’affaire à dépecer ses bestioles et à les mettre en boîte avec une froideur angoissante, le trio enchaîne les défis de cent mètres crawl, quatre cents mètres brasse, deux cents mètres crasse et les deux comparses font honneur à la liqueur de scorpion ramenée par Plomb. Merci Chef !
3eme jour ...
La veille au soir, auprès d’Hastur, j’avais joué mon plus beau rôle de femme au bord de la dépression, les larmes, les tremblements, l’épuisement et tout le tintouin. Je l’ai supplié, reléguant mon amour propre dans un coffre...
« J’vais être franc avec toi, Gribouille, tous les groupes sont au complet exception faite d’un où il reste une place. Pour tout te dire, ça va pas te plaire, mais à y réfléchir c’est pas plus mal que t’en fasses partie. Je veux que tu retranscrives la façon dont ces types se comportent lorsque j’ai le dos tourné. »
« De qui s’agit-il ? »
« De Led et ses frères. »
Les frères en question étaient des voisins de cimetière recrutés la semaine précédente. Tous aussi flippants les uns que les autres. Je suis devenue livide.
« T’es pas obligée de chercher à leur ressembler. »
« C’est pas drôle. »
« Bordel, ils sont déjà cannés, ils vont pas te bouffer ! Et puis tu seras pas seule, ma femme t’accompagnera, à l’instar de toi elle cherche à faire connaissance pour approfondir son savoir sur les macchabés. »
Saint patron des Zonts, loué soit-tu ! Enfin une personne normale pour me tenir compagnie ! J’ai accepté sans rechigner...
Le lendemain, alors que Led et ses frères Malienor, Sleef et Orik nous attendaient devant l’arène, trempés littéralement jusqu’aux os, le chef a débarqué.
« Rassemblement immédiat sur la place marchande ! Nous partons dans l’heure pour les landes de Nowogard ! Les Borgs ont été repérés dans la caverne des aranéides. L’ennemi s’est révélé plus puissant que prévu, d’après les nouvelles, les pertes sont sérieuses. Toutes les guildes doivent rejoindre les landes au plus vite pour prêter main forte. Magnez vous l’troufion, on n’attendra pas les retardataires et équipez-vous pour le combat. L’heure de la vengeance a sonné ! ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire