Depuis plusieurs semaines, le ciel drapé de ses oripeaux les plus gris déversait ses larmes sur le royaume. Les plaines verdoyantes d’Alwatath avaient vu peu à peu leurs fleurs dépérir pour céder la place à un vaste bourbier propice aux boues et fièvres Arachnide. Dans les cités voisines, la mélancolie errait comme une femme abandonnée, gémissante à souhait ... Nul n’était épargné par ce courroux, les remparts de Moriok et Tynda disparaissaient sous un flot d’eau continu qui offrait aux voyageurs la vision d’une immense cascade encerclant chacune des deux cités ennemies. Au milieu de ce désastre les vieilles rancœurs semblaient dérisoires. Anges et démons payaient, à parts égales, un lourd tribut fait de mort et d’agonie. Je n’avais jamais voulu prendre parti pour l’un des deux camps, je n’étais ni assez pure pour me prétendre ange, ni assez insensible pour m’imposer en démon...
Cela faisait cinq jours que nous campions dans les Basses Montagnes des Oliphons. La plaine devenue inhabitable, ressemblait à présent à une éponge gorgée d’eau insalubre et le transfert du camp sur les hauteurs s’était chargé de saper définitivement notre moral. Les roues des charrettes s’embourbant au bout de quelques mètres, il avait fallu se résoudre à transporter à pied tout notre attirail. Nous n’étions pas les seuls, beaucoup d’autres confréries s’étaient résignées à quitter le bassin. Or personne n’appréciait cette proximité. Des guildes souvent ennemies se retrouvaient, malgré elles, voisines, et les chefs devaient constamment redoubler de fermeté pour éviter les échauffourées.
Je n’échappais pas à la morosité ambiante. En plus du mauvais temps il me fallait supporter l’humeur massacrante de mon mari pour qui cette pluie était un véritable supplice, mais je n’étais pas la plus à plaindre ... Les hommes astreints de sortie rentraient de leurs expéditions le visage las et livide, même en cas de victoire. Les toubibs s’affairaient en permanence pour contenir les épidémies provoquées par les eaux. Vrael qui n’avait pas fermé l’œil depuis des jours, devenait un peu plus lugubre et inaccessible à chaque nouveau cas déclaré. Aurel, lui, semblait mieux supporter cette épreuve, cependant sa verve intarissable se ponctuait de chansons plus nostalgiques les unes que les autres... avec le temps, avec le temps va tout s’en va....avait bien vite remplacé ... il pleut, il pleut mémère, rentre ton troufignoooon... Allons à la taveeerne, mémère viiite allons..
Résignés, nous pensions devoir faire preuve de patience, jusqu’à ce matin, avec l’arrivée de méssagers envoyés par le mage Olk. Leur courrier a transformé notre lassitude en une fureur qui n’a rien eu à envier à celle des trolls. Dans tous les clans, des cris de rage ont fait trembler le sol rocailleux de la montagne.
La missive disait ceci :
« Homme et femmes du royaume D’Olso ! L’heure est grave. Ce déluge n’est pas naturel. Vous avez eu vent du retour de Borgom. Or cette résurrection n’est pas l’œuvre d’un seul homme mais d’une secte démoniaque. Les Borgs ! Des nécromants adeptes de l’ombre et du mal et qui agissent à l’abri des regards. Ils sont les responsables de ces eaux dévastatrices. Vous devez trouver au plus vite leur repaire et mettre un terme à leurs incantations diluviennes. Sans quoi, le dragon recouvrera ses forces plus tôt que prévu et rien alors n’arrêtera ses flammes meurtrières. Le temps nous est compté. »
L’énergie de la vengeance s’est infiltrée dans toutes les guildes. Des hommes gueulaient « A mort les Borgs !!! » d’autres « Pas d’pitié !!! ». Une fois la frénésie passée, les chefs se sont réunis pour mettre en ordre un plan d’attaque. Bien sûr, toute la difficulté résidait dans le moyen de repérer leur planque. Chaque guilde a fait appel à son stratège. Chez nous il s’agissait de Loistic. Un érudit dont le cerveau bien rempli avait une sacrée réputation. Plus d’une fois il s’était vu proposer une place dorée dans des guildes plus puissantes. Heureusement pour nous, il avait le vieux à la bonne. Malgré l’auditoire imposant, il ne s’est pas démonté. Perso j’ai pas tout compris à son charabia, les dirigeants non plus, mais Loistic est habitué à ça, il ne se déplace jamais sans un élève pour traduire ses propos. J’ai fait honneur à mon boulot en retranscrivant à la fois les paroles du maître et leurs traductions :
« Sous-entendu le penchant des Borgs pour les lieux occultes nous pouvons d’ores et déjà subodorer une tendance à la prédilection des excavations. D’où la déduction suivante : leur repaire se trouve indubitablement à l’abri de toutes ondes électromagnétiques, visibles ou pas par l’œil humain. Il va sans dire que si cette théorie, qui peut prétendre vous en conviendrez à un axiome, limite considérablement notre champ d’action, elle n’apporte cependant aucune réponse quant à l’endroit sus-nommé. Ce que je déplore. Traduction.».
L’élève, un gamin du nom de Popy, à la mine renfrognée, s’est mis à réciter d’un ton monocorde :
« Le maître dit qu’les enfants d’salaud qui nous bousillent le moral avec toute cette flotte se terrent probablement sous terre vu qu’y zaiment pas la lumière. Ça élimine pas mal d’endroits mais c’est pas non plus la joie vu qu’il reste beaucoup de possibilités. Et ça l’fait bien chier. »
« Or donc, au vu de cette conclusion, la tâche qui nous incombe, loin d’être utopiste je vous rassure, n’en demeure pas moins aléatoire. Elle peut s’achever dans les heures à venir comme dans les mois qui suivront. Qui sait, si la chance, cette libertine indomptable et immorale, jouera en notre faveur ou s’abandonnera aux caresses rugueuse des Borgs ... Traduction. »
« Bon, si on résume la chose, c’est pas compliqué : ca peut être super rapide, genre je sors du camp j’fais trois mètres, j’vois un terrier j’m’y faufile et hop ! Bonjours les Borgs ... soit j’me tape toutes les cavernes, égouts et souterrains du royaume pour des nèfles. Ya qu’cette putain qu’on nomme la chance qui sait c’ qu’elle va faire. »
« Notre réussite réside dans l’altruisme, le pardon et l’union de toutes les confréries ici présentes. Que le royaume soit quadrillé et réparti de manière équitable pour augmenter l’efficacité dans nos recherches. J’exhorte chacun d’entre vous à s’armer d’une volonté farouche et à omettre tous ressentiments à l’égard d’un tiers ! Notre unique ennemi pour l’heure se cache dans les entrailles du royaume. C’est en unissant nos ressources et nos effectifs que nous parviendrons à l’en déloger. Traduction. »
« Bref, pour gagner la partie va falloir se tenir tranquille et accepter de bosser ensemble. On se repartit le boulot à parts égales. Alors finies les conneries du genre défis, agressions, vengeances et autres. Aujourd’hui et demain, les seuls troufions qu’il faut buter c’est ces limaces de Borgs ! »
Les chefs ont tous approuvé. Une alliance a été signée. Les confréries les plus puissantes se sont vu confier la caverne des aranéides et le repère de l’Hydre. La nôtre avait à charge les égouts de Tynda.
J’ai vu les plus valeureux chevaliers du royaume endosser leur armure en silence avec dans le regard une lueur glacée et impitoyable. Dans chaque campement, l’on s’affairait pour le départ en silence. L’heure n’était plus à la parole mais à l’acte inflexible de la vengeance.
Puis, au son du cor de guerre, dans un cliquetis d’armures qui tintait comme un carillon funèbre, les troupes se sont mises en marche. Au cœur de ce vacarme de ferrailles, j’ai cru déceler la voix d’Aurel... we are the champion my friends...
Cela faisait cinq jours que nous campions dans les Basses Montagnes des Oliphons. La plaine devenue inhabitable, ressemblait à présent à une éponge gorgée d’eau insalubre et le transfert du camp sur les hauteurs s’était chargé de saper définitivement notre moral. Les roues des charrettes s’embourbant au bout de quelques mètres, il avait fallu se résoudre à transporter à pied tout notre attirail. Nous n’étions pas les seuls, beaucoup d’autres confréries s’étaient résignées à quitter le bassin. Or personne n’appréciait cette proximité. Des guildes souvent ennemies se retrouvaient, malgré elles, voisines, et les chefs devaient constamment redoubler de fermeté pour éviter les échauffourées.
Je n’échappais pas à la morosité ambiante. En plus du mauvais temps il me fallait supporter l’humeur massacrante de mon mari pour qui cette pluie était un véritable supplice, mais je n’étais pas la plus à plaindre ... Les hommes astreints de sortie rentraient de leurs expéditions le visage las et livide, même en cas de victoire. Les toubibs s’affairaient en permanence pour contenir les épidémies provoquées par les eaux. Vrael qui n’avait pas fermé l’œil depuis des jours, devenait un peu plus lugubre et inaccessible à chaque nouveau cas déclaré. Aurel, lui, semblait mieux supporter cette épreuve, cependant sa verve intarissable se ponctuait de chansons plus nostalgiques les unes que les autres... avec le temps, avec le temps va tout s’en va....avait bien vite remplacé ... il pleut, il pleut mémère, rentre ton troufignoooon... Allons à la taveeerne, mémère viiite allons..
Résignés, nous pensions devoir faire preuve de patience, jusqu’à ce matin, avec l’arrivée de méssagers envoyés par le mage Olk. Leur courrier a transformé notre lassitude en une fureur qui n’a rien eu à envier à celle des trolls. Dans tous les clans, des cris de rage ont fait trembler le sol rocailleux de la montagne.
La missive disait ceci :
« Homme et femmes du royaume D’Olso ! L’heure est grave. Ce déluge n’est pas naturel. Vous avez eu vent du retour de Borgom. Or cette résurrection n’est pas l’œuvre d’un seul homme mais d’une secte démoniaque. Les Borgs ! Des nécromants adeptes de l’ombre et du mal et qui agissent à l’abri des regards. Ils sont les responsables de ces eaux dévastatrices. Vous devez trouver au plus vite leur repaire et mettre un terme à leurs incantations diluviennes. Sans quoi, le dragon recouvrera ses forces plus tôt que prévu et rien alors n’arrêtera ses flammes meurtrières. Le temps nous est compté. »
L’énergie de la vengeance s’est infiltrée dans toutes les guildes. Des hommes gueulaient « A mort les Borgs !!! » d’autres « Pas d’pitié !!! ». Une fois la frénésie passée, les chefs se sont réunis pour mettre en ordre un plan d’attaque. Bien sûr, toute la difficulté résidait dans le moyen de repérer leur planque. Chaque guilde a fait appel à son stratège. Chez nous il s’agissait de Loistic. Un érudit dont le cerveau bien rempli avait une sacrée réputation. Plus d’une fois il s’était vu proposer une place dorée dans des guildes plus puissantes. Heureusement pour nous, il avait le vieux à la bonne. Malgré l’auditoire imposant, il ne s’est pas démonté. Perso j’ai pas tout compris à son charabia, les dirigeants non plus, mais Loistic est habitué à ça, il ne se déplace jamais sans un élève pour traduire ses propos. J’ai fait honneur à mon boulot en retranscrivant à la fois les paroles du maître et leurs traductions :
« Sous-entendu le penchant des Borgs pour les lieux occultes nous pouvons d’ores et déjà subodorer une tendance à la prédilection des excavations. D’où la déduction suivante : leur repaire se trouve indubitablement à l’abri de toutes ondes électromagnétiques, visibles ou pas par l’œil humain. Il va sans dire que si cette théorie, qui peut prétendre vous en conviendrez à un axiome, limite considérablement notre champ d’action, elle n’apporte cependant aucune réponse quant à l’endroit sus-nommé. Ce que je déplore. Traduction.».
L’élève, un gamin du nom de Popy, à la mine renfrognée, s’est mis à réciter d’un ton monocorde :
« Le maître dit qu’les enfants d’salaud qui nous bousillent le moral avec toute cette flotte se terrent probablement sous terre vu qu’y zaiment pas la lumière. Ça élimine pas mal d’endroits mais c’est pas non plus la joie vu qu’il reste beaucoup de possibilités. Et ça l’fait bien chier. »
« Or donc, au vu de cette conclusion, la tâche qui nous incombe, loin d’être utopiste je vous rassure, n’en demeure pas moins aléatoire. Elle peut s’achever dans les heures à venir comme dans les mois qui suivront. Qui sait, si la chance, cette libertine indomptable et immorale, jouera en notre faveur ou s’abandonnera aux caresses rugueuse des Borgs ... Traduction. »
« Bon, si on résume la chose, c’est pas compliqué : ca peut être super rapide, genre je sors du camp j’fais trois mètres, j’vois un terrier j’m’y faufile et hop ! Bonjours les Borgs ... soit j’me tape toutes les cavernes, égouts et souterrains du royaume pour des nèfles. Ya qu’cette putain qu’on nomme la chance qui sait c’ qu’elle va faire. »
« Notre réussite réside dans l’altruisme, le pardon et l’union de toutes les confréries ici présentes. Que le royaume soit quadrillé et réparti de manière équitable pour augmenter l’efficacité dans nos recherches. J’exhorte chacun d’entre vous à s’armer d’une volonté farouche et à omettre tous ressentiments à l’égard d’un tiers ! Notre unique ennemi pour l’heure se cache dans les entrailles du royaume. C’est en unissant nos ressources et nos effectifs que nous parviendrons à l’en déloger. Traduction. »
« Bref, pour gagner la partie va falloir se tenir tranquille et accepter de bosser ensemble. On se repartit le boulot à parts égales. Alors finies les conneries du genre défis, agressions, vengeances et autres. Aujourd’hui et demain, les seuls troufions qu’il faut buter c’est ces limaces de Borgs ! »
Les chefs ont tous approuvé. Une alliance a été signée. Les confréries les plus puissantes se sont vu confier la caverne des aranéides et le repère de l’Hydre. La nôtre avait à charge les égouts de Tynda.
J’ai vu les plus valeureux chevaliers du royaume endosser leur armure en silence avec dans le regard une lueur glacée et impitoyable. Dans chaque campement, l’on s’affairait pour le départ en silence. L’heure n’était plus à la parole mais à l’acte inflexible de la vengeance.
Puis, au son du cor de guerre, dans un cliquetis d’armures qui tintait comme un carillon funèbre, les troupes se sont mises en marche. Au cœur de ce vacarme de ferrailles, j’ai cru déceler la voix d’Aurel... we are the champion my friends...
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