20 juil. 2009

Chronique 14

Le guerrier ne s’encombre pas du chagrin des départs, il laisse à la veuve et à son orphelin le choix des larmes et des regrets. Tant de femmes ont vu leur amour se briser contre des armures d’indifférence édifiées aux cours des batailles. Dans chaque port, dans chaque cité, des enfants rêvent du retour d’un père parti avant leur naissance. Une attente souvent vaine. Avoir pour compagnon de route le danger et la cruauté endurcit les cœurs jusqu’à les rendre insensibles aux adieux. Il n’y a pas d’autre alternative. En temps de guerre, la moindre faiblesse peut s’avérer fatale, la moindre hésitation... Tuer nécessite un esprit vide dans un corps alerte. Il faut apprendre à reléguer dans une chambre capitonnée la moindre émotion, à regarder ses victimes comme des proies sans valeur. De la chair et des os bons pour nourrir les charognes qui ferment la marche, rien de plus. Sinon comment pourrions nous tuer ? L’homme ne nait pas meurtrier, il le devient à coup de trahisons, de mensonges et de taloches.

Pourquoi je me répands dans ces élucubrations philosoporifiques ? Sans doute pour me convaincre d’ignorer ma douleur... Je m’appelle Eriaka, scribe à ses heures mais avant tout guerrier endurci ! Ecce-Deus n’était pas mon premier mari, il y eut le lutteur Dark-Illusion, un mâle comme on aime en avoir dans son lit, invalide de la rhétorique mais expert pour les travaux manuels. Il savait m’entrainer dans des ébats immodérés qu’une femme mariée peut rarement prétendre connaitre. Bien sur en tant qu’homme (j’entends par là un mâle au sexe saillant) il était loin d’être parfait. La galanterie n’était pas son fort, pas du genre à soulever le rabat de la tente pour vous céder le passage où vous débarrasser de paquets trop lourds. Les seules fleurs qu’il ramenait étaient celles empoisonnées, utilisé pour imbiber la pointe de ses dagues.
« Les femmes veulent l’égalité ? On leur donne, ainsi qu’ tout l’merdier qui va de pair ! » C’était sa devise.
Perso ça me gênait pas. Il pouvait bien agacer mon ouïe avec ses propos réactionnaires où encore mon odorat avec sa manie de transpirer comme un sagouin, le reste de mes sens était comblé... Il n’est pas mort, je l’ai quitté pour Ecce. Ce dernier avait usé de ses charmes sur moi et j’étais tombée sous son emprise comme une abeille dans un pot de miel. Aujourd’hui le seul charme que je pouvais espérer de mon minou était un sourire carnassier et un regard vide. Quel gâchis ! Je l’aimais, comme peut aimer une femme rompue aux vices du combat.

Le soir des obsèques, les tavernes ont vibré du chant des guerriers. Pas un homme n’a fait défaut à cette coutume ancestrale. Depuis toujours, les survivants boivent en l’honneur de leur destin dont la fortune a su tromper la mort. Ironie du sort, beaucoup poussent jusqu’à l’ivresse ce rituel pour finir dans un coma fatal. L’alcool se déverse dans l’estomac en flot continu, les rixes se succèdent et les putains s’affairent à satisfaire tout le monde.

Notre guilde avait choisi la taverne du Mort. Un établissement crasseux mais qui garantissait, si nécessaire, un repli rapide pour les Tyndaliens de la guilde du fait de sa situation excentrée. La trêve entre les deux cités demeurait maintenue d’après le mage Olk, mais la prudence était de mise durant cette nuit d’excès et de folie.

Les trois cousins Manfriine, Romuluss et Gurre avaient déjà atteint un taux d’alcoolémie fatal pour toute personne normalement constituée. Chez eux les effets secondaires se cantonnaient à une démarche chaloupée et une élocution chaotique faite d’onomatopées.
« Raaaaa.... bzzzzz... York ! Neuuuu. Hooooo ? Hm hm hm. » A peu de choses près c’était ça. Ils enfilaient les bières comme une enfant enfile des perles et pariaient leurs soldes sur Kricket et Keelow. Depuis deux heures, les lutteurs, malgré la vilaine entaille de Kricket, enchainaient les bras de fer en prenant soin d’aplatir la main du perdant sur des débris de verre. Glauque me direz-vous ? Normal je vous répondrai pour des lutteurs.

Plus loin, le moustique et le buffle sirotaient à la paille une gnole douteuse dans laquelle flottait un ver aux vertus hallucinatoires. Une spécialité de la maison qu’eux seuls avaient voulu gouter. Le patron n’avait semble-t-il pas menti car les deux lascars par moment se mettaient à caqueter en agitant vivement leur bras pour s’envoler. Les lois de la nature étant ce qu’elles sont, leur échec s’ensuivait d’un « Coyt Coyt ! Quelqu’un m’a plumé ! Coyyyyyt !!! »

Au fond de la salle, à l’abri des regards, le chef et sa femme surveillaient d’un œil vitreux leurs ouailles, c'est-à-dire nous, tout en dégustant un cocktail dont seule Eternia avait le secret. Drata et Rando, boudaient devant leur limonade, unique boisson autorisé par leur oncle.

Accoudé au comptoir, un verre de vinasse à peine entamé, Loistic se répandait en élucubrations scientistes devant un auditoire pour le moins inattentif. Son élève Popy, entre deux traductions, plongeait goulument ses lèvres dans une pinte de bière plus grosse que le mamelon d’une ogresse, et en ressortait une barbe de grand-père fraichement moussée.

Sur la terrasse les amoureux Senseï et Iberia s’amusaient à « viens boire dans mon gosier ». Un jeu de leur cru... Senseï prenait une gorgée de pinakoalak puis abreuvait sa compagne en l’embrassant passionnément et inversement. Quand ils étaient fatigués de boire, les amoureux se dévoraient des yeux en se murmurant « Je t’ai déjà dit je t’aime ? » « Non. » « Je t’aime... » « Ça tombe bien moi aussi... » S’ensuivait une série de caresses et de baisers à rendre jaloux le plus endurci des célibataires. Le romantisme c’est pas mon truc mais j’dois admettre qu’ils défendaient drôlement bien les vertus d’ la sensibilité.

Aurel quant à lui s’la jouait pacha. Depuis qu’il était passé maitre soigneur les infirmières de la guilde, Piouz, Advilla et Snios papillonnaient des paupières dès qu’il se mettait à fredonner. Affalé sur un gros pouf, il se laissait aller entre les doigts experts qui lui massaient la tête à tour de rôle. Elles se chamaillaient lorsque l’une d’elle monopolisait trop longtemps la tignasse blonde de leur idole.
« Allons, allons mesdemoiselles, nous avons la nuit devant nous... Ce matin, 3000 enrôlés, grève des maitres bouchers, embouteillage et pollution pour Tynda agglomération. Ce matin, Honoriusl est mort, on en fera du purin, 2 clochards retrouvés clamsés près d’la rivière Kokolié. Ce matin, mon CAC a du succès, 4 monstres de moins à dépecer, 10 civils de tués à Unkut dans les bras sanglants du Titan. Toi et moi, dans tout ça, on n'apparait pas, On se contente d'être là, on s'aime et puis voilà on s'aime.... »

La nuit s’annonçait mouvementée mais rien d’incontrôlable pour Hastur... Une pelle posée sur la table, il était prêt à donner quelques coups si nécessaire... Seulement voilà.... Il s’est passé un truc que personne n’aurait pu prévoir... Le genre d’événement inenvisageable tellement les probabilités sont faibles... Son frère ainé Oldgrine a débarqué avec sa troupe de mercenaires, le lutteur Ts - abréviation de Tueur Sanguinaire-, un type à la réputation de brute épaisse et sans âme, la lutteuse Raidbauty une ancienne prostituée qui prenait un malin plaisir à égorger ses clients durant l’orgasme et Helhel une toubib accusée de trafic d’organes, sous son air angélique, elle tapait aux portes des familles les plus pauvres du royaume, proposant de prendre en charge un des mouflets pour en faire un médecin... le gamin rentrait chez lui quelques mois plus tard, un rein, un œil, un poumon en moins sans la moindre notion de médecine. Pour Hastur, Old n’était plus son frangin depuis belle lurette, la honte de la famille disait-il. La dernière fois qu’ils s’étaient vus, c’était par hasard sur un champ de bataille, Old et sa clique bossaient pour l’ennemi et il en avait fallu de peu que notre chef y reste.... C’est pas qu’Old ait voulu le buter mais dans le feu d’l’action, il n’a pas fait gaffe et notre vieux s’est retrouvé avec une barbe cramoisie.

Bon sang, cette nuit allait être à classer dans les annales de l’enfer !!!!

14 juil. 2009

Chronique 13

Le lendemain, le soleil avait reprit possession du ciel avec une fougue peu commune, comme si son absence forcée l’avait mis au supplice. Il réchauffait à présent les terres du royaume et nos âmes affaiblies. Dans les landes, les dernières gouttes de pluie accrochées aux branches dénudées des arbres, se voyaient anoblies par son éclat. Une lumière opaline colorait l’atmosphère de reflets évanescents et rendait la vie étrangement belle, comme une fenêtre entrouverte sur l’éternité. J’ai levé les yeux... Quelques cumulus dérivaient encore au cœur de l’étendue bleue, orphelins en quête de cieux moins propices. A la vue de cette journée radieuse, j’avais peine à admettre les souffrances de la veille... Etait-ce vraiment arrivé ? Toutes ces morts ? Tous ses cris ? Le départ d’Ecce-Deus? Les paroles de Bogrom ? Oui pas d’doute la d’sus, le massacre fut on ne peut plus réel. Une multitude de petits détails sordides, comme des moucherons qui vous pourrissent la vie en jouant avec vot’ peau, tapissaient les landes pour nous rappeler l’horreur, pas moyen de fuir dans de douces illusions.

Chancelante, j’ai rejoint Hastur et Eternia. Assis sur la souche d’un énorme olivier ils avalaient, le regard absent, une sorte de bouillie brune. A première vue, l’expression de leur visage laissait entendre qu’il ne s’agissait pas de caviar.
« Ptit dej local ? Ça pas l’air ragoutant... »
Eternia a soupiré, en acquiesçant, quant au chef il a ronchonné.
« Les ingrédients sont local le cuistot non, si tu vois c’que j’veux dire. La sale teigne a rien trouvé d’mieux à faire qu’’cette merde infâme qu’elle nomme velouté aux champignons des landes ! J’vais finir par croire qu’elle bosse pour l’ennemi si elle continue à nous empoisonner de la sorte ! Bordel, les gars vont passer la journée à courir derrière des buissons pour se vider par tous les trous possibles ! Comme si on avait qu’ça à foutre ! »
Il a tapoté le bois pour m’inciter à m’asseoir à coté de lui.
« J’suis désolé pour Deus, c’était un brave type et pas con avec ça. Il va nous manquer à tous. Surtout n’hésite pas si t’as besoin d’aide on est là. »
Ptin j’étais gênée, quoi dire ?
« Merci patron. »

Mer-ci-pa-tron? Non mais je rêve ma pauve fille ! C’est tout ce que tu trouves à dire ? Il t’a pas aidé à porter ton armure bon-sang ! Enfin... pour ma décharge faut dire qu’ c’est le genre de situation où aucun mot n’est approprié, conclusion vous vous sentez con, quoi que vous disiez vous vous sentez con...

« Le rituel de purification par le feu s’applique aux Forintiens ? »
Il faisait référence aux buchers funéraires dressés par les gars pour recevoir la dépouille de leurs frères d’armes.
« Oui »
« T’as oint son corps? Pour les croyants l’huile de chanvre permet aux âmes d’atteindre plus rapidement leur vie future. »
« J’ai entendu dire ca... Je comptais m’en charger après le ptit dej... si je survis à l’expérience culinaire de Mamichup. Vous y croyez vous ? »
« A quoi ? »
« Bah à cette histoire d’huile ? »
« Pff des craques ouè ! Une rumeur colportée par les commerçants pour accroitre leur chiffre d’affaire ! Mais j’ te conseille de l’faire tout de même, l’âme montera ptêtre pas plus vite mais la chair se consumera rapidement et c’est pas plus mal vu le nombre de corps à brûler. »
« Hooo excusez moi... » Eternia s’est levée d’un coup, les mains crispées sur le ventre.
« Je crois que... Je....Je... »
« Et voilà ça commence ! Je vais tuer de mes propres mains cette face de rat bordel !!! Tu veux de l’aide mon cœur ? Dis-moi quoi faire. »
« Rien, rien... » Elle a foncé derrière le buisson le plus proche.
« Bon ben finalement j’vais faire l’impasse sur le ptit déj pour aller m’occuper d’Ecce. »
« C’est plus prudent en effet. »

Arrivée dans ma tente j’ai vu des ombres en train d’emporter le corps de mon mari, je n’ai pas eu le temps de me précipiter sur les voleurs ni de crier. Un coup violent sur le crâne m’a envoyée faire un séjour au pays des centaures roses et des sphinx à tête de tortue. Impossible de dire combien de temps s’est écoulé durant mon coma, mais lorsque j’ai émergé, la cérémonie commençait. J’ai balayé du regard l’intérieur de ma tente, la table sur laquelle reposait auparavant mon époux était vide. Quels genres de salauds peuvent être assez insensibles pour voler des cadavres !!!! Titubante je suis sortie pour trouver de l’aide... Un barde chantait en l’honneur des héros morts au combat...

D’un pas digne je rejoins mes ancêtres.
Devant eux j’apparaîtrai sans honte ni regrets.
Ho vous frères d’arme chantez mes exploits,
Je suis mort au combat sans frémir.
Je n’ai laissé ni la peur, ni la lâcheté,
Salir le souvenir de mon trépas.
Donnez-moi mon épée, ma lance,
Ma hache ou mon marteau !
Dans l’au-delà je poursuivrais le combat.
Adieu mes amis, adieu...
Ne pleurez pas mon départ,
Bientôt vous me rejoindrez
Ainsi s’achève le destin des hommes.
Mais en attendant, chantez,
Buvez et baisez tant que vous pouvez !
Car demain il sera trop tard...


Les gars se sont mis à hurler « HOUM ! HOUM ! HOUM ! » Tout en tapant du pied comme le voulait la coutume. La procession des corps jusqu’au bûcher a commencé, rythmée par le martèlement cadencé des hommes. On aurait cru à un orage souterrain tellement ils étaient venus nombreux pour cet adieu. Furieuse de ne pouvoir offrir à mon époux ce dernier hommage j’ai foncé vers le chef en hurlant « Ecce a disparut ! On a volé son corps ! »
« C’est impossible ! Même les moriokiens respectent les morts ! »
« On m’a assommée quand j’ai voulu rattraper ces enfants d’putain ! »
« Bordel ! Je te promets de pas lâcher l’affaire, on va les retrouver et leur faire payer cher ! »

Soudain sans prévenir Led et ses comparses sont apparus à notre droite. Ils portaient tous de longues tuniques noires surmontées d’une capuche qui cachait aux trois quarts leur crâne. Vu le nombre croissant de son escouade, la pèche avait été bonne. Il m’a fixée avec insistance, dans la pénombre de ses orbites tournoyaient des volutes de fumée noire.
« J’ai un cadeau pour toi Eriaka. »
« J’ai pas le temps, on a volé le cadavre de mon mari alors tu m’excuses mais faudra repasser. »
« Cela concerne justement la disparition d’Ecce-Deus. »
« Quoi ?! Tu as retrouvé son corps ? »
« En fait je suis responsable de cette disparition. Hooo j’espère qu’Ortik n’a pas tapé trop fort. » Il a désigné mon crâne.
« C’est quoi ces conneries !!! T’as intérêt d’avoir une bonne explication sinon je te réexpédie vite fait en enfer et cette fois personne t’en fera sortir !!!! »
« Allons, allons, pourquoi tant de haine... Je te l’ai dit c’est un présent, ou si tu préfères une surprise.... » Sa voix mielleuse et faussement condescendante trahissait le plaisir qu’il éprouvait à me voir flipper. Il a fait signe à un jeune nécrop de s’approcher, puis se tournant vers moi il a sifflé entre ses dents dénudées.
« Et bien, tu n’embrasses pas ton mari ? »
J’ai cru que j’allais tourner de l’œil.
« Non, c’est impossible, impossible... L’âme de mon mari n’a pas pu accepter ça, vous l’avez forcé ! »
« Pas le moins du monde. Il s’est porté volontaire, il a même insisté! Pour te protéger a-t-il dit. Je reconnais avoir omis de lui rappeler qu’un nécrop perdait le souvenir de sa vie passée mais que veux-tu j’étais tellement sollicité, je ne pouvais pas m’éterniser à expliquer en détail les lois qui nous régissent... Savais-tu par exemple qu’il nous est impossible de recruter plus de cent nécrops par an ? C’est une règle stupide instaurée par le dieu Kine pour mieux nous contrôler. Evidement, la candidature de ton époux ne pouvait être rejetée... Hooo quelle tristesse, il ne te reconnaît pas, mais par contre il m’obéit à la phalange et à l’orbite... Ts ts ts ts...»

Son rire a percé mes oreilles comme une aiguille chauffée à blanc. Je lui ai balancé un crochet du gauche, sa mandibule s’est décrochée, le plus calmement du monde il l’a remise en place en me menaçant « Quelle ingratitude, je t’excuse pour cette fois ci mais ne t’avise pas de recommencer car c’est moi qui prendrai un malin plaisir à t’expédier dans l’au-delà. »

« TU ES VIRE !!!!!! VIIIIIREEEEEE !!!!!!!!!! » C’était le chef, je ne l’avais jamais vu dans cet état, il fulminait de rage par tous les pores.
« Hoo cela ne me gêne pas. Pour être honnête je ne comptais pas faire carrière dans cette guilde... » Puis sans crier gare il a fait signe à son escouade et ils ont disparut.

Le chef se sentait mal, s’il n’avait pas enrôlé Led tout ça ne serait jamais arrivé.
« Il doit exister une méthode pour ramener un nécrop à l’état de mort. Je demanderai à Olk s’il peut nous aider. Ne t’inquiète pas on va trouver une solution. »

Je suis partie en silence m’écrouler dans mon lit pour fuir cette satanée réalité dans le premier sommeil soucieux de ma peine.

5 juil. 2009

Chronique 12

Je n’ai aucun souvenir de la suite des évènements, Loistic m’a raconté...

Malgré leur valeur, les gars n’auraient pas pu vaincre le bolet sans l’aide in extrémis de guerriers aguerris... Alzirah, la magicienne au cadran de cristal, réputée pour ses talents d’hypnose a retiré toute volonté au monstre de riposter. Sur cet entrefaite deux des lutteurs les plus puissants du royaume, Legend et Seraphine ont bondi sur le dos de la bête, avec une force peu commune et l’ont tailladé de toutes parts. Puis, ne faisant cas de Kricket, Keelow et des trois cousins ébahis par tant de force, ils se sont jeté au cœur de la formation des champignons géants, suivis des meilleurs, Mounta, Etepmet, Gedeo, Kunda pour ne citer qu’eux.

Parait qu’à ce moment, Mamichup a fait son apparition, un petit carnet à la main, portée sur les épaules de son marmiton Zoum.
« Allons, allons messieurs ! Approchez ! Les paris sont ouverts ! La cotte est de dix contre un pour les borgs ! Venez gager votre solde du mois ! Soyez pas timides, un beau pactole à l’arrivée, tentez votre chance ! Gains doublés si vous devinez qui dans nos rangs ou dans ceux de l’ennemi crèvera l’premier ! »

Pendant une infime seconde tous, champignons et borgs compris, se sont arrêtés pour la regarder brailler. Eternia, s’est précipité vers elle, dans l’espoir de l’arrêter.
« Mais enfin Mamichup que faites-vous ? Nous sommes en pleine bataille, vous ne pouvez pas parier sur la mort des gens ! Que dira votre conscience lorsque vous empocherez cet argent souillé par le malheur ? »

« Bah, j’sais pas... merci les gars, vot décès fait ma joie. Ca d’vrait faire l’affaire. Devant le visage ahuri d’Eternia elle a ajouté : Ma ptite ya longtemps qu’ma conscience roupille dans un coin d’ma tête avec toutes les conneries moralistes que nous fourguent les prêtres Tyndaliens ! J’suis pt’être pucelle mais j’suis pas une sainte et j’suis pas naïve non plus ! Dans c’monde de dingues soit tu saignes, soit t’es saigné, qu’ce soit la chair ou l’porte monnaie. Et en général, quand l’massacre s’finit, les riches en profitent. Bon, tu m’excuses, j’aime bien taper la converse avec toi mais comme dit le dicton, empocher où discourir il faut choisir. Allons, allons ! Profitez, d’l’aubaine ! Lancez vos mises, c’est la fortune assurée ! »

Tandis que les bleusailles se laissaient prendre par les boniments de la vioc, les puissants massacraient les monstres. En moins de temps qu’il ne faut à un aigle pour avaler une larve les champignons géants furent décimés. La bataille tournait à notre avantage. Ces derniers gisaient à présent dans une boue rougeâtre faite de sang et de poussière, il fallait les enjamber pour atteindre les borgs. Les archers ont alors tiré une volée de flèches. Encerclés de toutes parts les nécromants ont deviné leur défaite.

L’un d’eux, probablement leur commandant, a hurlé :
« Il est trop tard hommes d’Olso ! Borgom est de retour, d’ici peu il recouvrera ses forces et l’enfer de ses flammes détruira jusqu’au dernier de vos rejetons !! Les dieux et les démons de l’ancien temps ne pourront rien pour vous!! Ainsi tremblez devant sa puissance ! Ni les larmes, ni les suppliques ne retreindront sa rage ! Vous verrez ce monde dépérir et avec lui la race humaine! »

Kunda a soulevé sa lourde hache surnommée par ses frères d’armes la voleuse d’âme.
« Où est-il ?! Réponds et je rendrai ta mort moins douloureuse ! »

« Ne sois pas si impatient, humain, il te trouvera le moment choisi ! Tu regretteras alors d’avoir voulu croiser son regard ! »

« Borgom est encore trop jeune et faible pour survivre seul. Après votre mort, le dragon vous rejoindra dans le néant qui l’a vu naitre car même les enfers ne voudront pas de lui ! »
C’était Loistic.
« Vot serpent sans son biberon il va caner et ... »
« Inutile, mon élève, ils ont très bien compris. »

« Mais vous, vous n’avez rien compris... Le maître n’est jamais seul. Déjà il s’enfuit pour un autre refuge où l’attentent ses fidèles. »
« D’autres borgs ? »
« Tu ne vois donc rien humain, ta fierté t’aveugle... Laisse-moi te décrire l’adversaire qui demain frappera à ta porte. Tous les chefs, de toutes les races de monstres dont se repaissent vos lames depuis des siècles, ont rejoint sa cause. Les Trolls, les Hydres, les elfes noirs, les gobelins même l’énorme Kraken ont accepté l’alliance. Tu veux retrouver Bogrom ? Cherche, si tu l’oses, dans leurs repères car ils servent à présent mon maître et attendent en retour un présent inestimable. »
« Quel présent ? »
« Un monde dépourvu d’humains. »
« Comment pouvez-vous faire ca ! Vous-même vous êtes des hommes ! » A lancé un jeune archer terrifié par ce qu’il venait d’entendre.
« Nous? »
Le chef des borgs a retiré alors son masque noir dévoilant une tête qui, si elle était au départ celle d’un homme n’en avait plus aucun trait. Le nez et les oreilles avaient été coupés, la langue taillée pour devenir aussi fourchue que celle d’un serpent, les yeux arrachés et transformés en médaillon pour laisser sous chaque arcade sourcilière un trou noir. Des écailles recouvraient ses joues et son front afin de renforcer son aspect reptilien.
« Aujourd’hui nous mourons fiers du devoir accompli ! »

Alors, dans un rire démoniaque les nécromants ont lancé une dernière fois des boules de feu au dessus de leurs têtes et la torche vivante qu’ils sont devenus a embrasé le ciel d’une lueur d’épouvante. Au même instant, il y a eut un tremblement de terre, bouchant l’entrée de la caverne, derrière l’amas de pierre une voix lugubre, aussi obscure que la fin des temps a résonné.... « Bientôt petits hommes.... Bientôt... »

Tous sont demeurés inertes, incapables de savourer le charme de la victoire. Quelle victoire ? Celle dérisoire qui retardait pour un temps notre anéantissement. Un silence mortuaire a recouvert les landes d’une sentence irrévocable, nous étions des condamnés à mort...
Puis le soleil a déchiré les nuages pour tracer dans le ciel un chemin lumineux, comme une route menant vers l’espoir nous incitant à ne pas désespérer. Peu à peu les hommes sont sortis de leur torpeur, des cris de liesse ont brisé la fatalité dans laquelle nous avait plongés la promesse de Bogrom et les toubibs se sont mis au travail pour sauver ceux recrachés par la mort.

Je suis revenue à moi, incapable de savoir ce qui s’était passé. Vrael se tenait à mes côtés.
« Je vais l’examiner, il n’est peu être pas... »
« Laisse tomber toubib, c’est trop tard. »
J’ai ravalé ma douleur en secret. « On a gagné ? »
« Ouais, pour aujourd’hui. Mais Bogrom s’est enfui retrouver des alliés plus puissants. »
« C’est la merde alors... »
« C’est la merde. T’es blessée ? »
« Non, ce sang n’est pas le mien. Occupe-toi des autres, ça va aller. »

Le chef est arrivé, à toutes trombes.
« Bordel, l’a fallu qu’ces enfants d’salauds attaquent après mon départ ! Ils ont fermé les portes de la cité pour éviter une invasion, j’étais bloqué. Ya des pertes ? »
« Ecce-Deus, Jormundur et Hodge, a reniflé Eternia. Gurre a les deux jambes cassées, Manfriine le bras droit brulé et Krikcet une entaille profonde à la poitrine, mais d’après Aurel il devrait s’en sortir. Ils y a d’autres blessés moins graves. Hooo, j’ai cru bien faire mais j’étais tellement terrifiée ! »
« Tu as fait au mieux ma douce. »

Mamichup est passée devant le chef une liasse de billets à la main, la démarche aussi pompeuse et fière qu’une chamodinde sauvage, le chef a reniflé dans sa barbe.
« Tssss, t’es pas morte toi... Dommage. »
Elle l’a royalement ignoré, expliquant à son sous fifre Zoum qu’elle hésitait à prendre le titre de Baronne où Comtesse.
« Baronne Mamichup... ca fait plus noble c’est sûr, mais les baronnes sont souvent de vieilles rombières qui baisent jamais alors que les comtesses c’est connu sont toujours truffées d’amants... j’hésite... »
« D’où elle sort tout ce fric ? »
« Hoo, elle a organisé des paris durant toute la bataille. J’ai bien essayé de l’en empêcher mais tu la connais, c’est difficile de la raisonner. »
« Ca va pas se passer comme ca, bordel, une fois toute cette guerre finie on aura une ptite explication elle et moi ! »
« Bogrom est en vie mon mari, nous l’avons entendu... »« Je ne veux pas t’alarmer inutilement mais il faut être lucide... La situation est encore pire. Le dragon a convaincu les monstres les plus dangereux du royaume de se joindre à lui. L’humanité va devoir lutter pour sa survie. Espérons que les dieux nous pardonneront notre orgueil et nous viendront en aide. »