Le guerrier ne s’encombre pas du chagrin des départs, il laisse à la veuve et à son orphelin le choix des larmes et des regrets. Tant de femmes ont vu leur amour se briser contre des armures d’indifférence édifiées aux cours des batailles. Dans chaque port, dans chaque cité, des enfants rêvent du retour d’un père parti avant leur naissance. Une attente souvent vaine. Avoir pour compagnon de route le danger et la cruauté endurcit les cœurs jusqu’à les rendre insensibles aux adieux. Il n’y a pas d’autre alternative. En temps de guerre, la moindre faiblesse peut s’avérer fatale, la moindre hésitation... Tuer nécessite un esprit vide dans un corps alerte. Il faut apprendre à reléguer dans une chambre capitonnée la moindre émotion, à regarder ses victimes comme des proies sans valeur. De la chair et des os bons pour nourrir les charognes qui ferment la marche, rien de plus. Sinon comment pourrions nous tuer ? L’homme ne nait pas meurtrier, il le devient à coup de trahisons, de mensonges et de taloches.
Pourquoi je me répands dans ces élucubrations philosoporifiques ? Sans doute pour me convaincre d’ignorer ma douleur... Je m’appelle Eriaka, scribe à ses heures mais avant tout guerrier endurci ! Ecce-Deus n’était pas mon premier mari, il y eut le lutteur Dark-Illusion, un mâle comme on aime en avoir dans son lit, invalide de la rhétorique mais expert pour les travaux manuels. Il savait m’entrainer dans des ébats immodérés qu’une femme mariée peut rarement prétendre connaitre. Bien sur en tant qu’homme (j’entends par là un mâle au sexe saillant) il était loin d’être parfait. La galanterie n’était pas son fort, pas du genre à soulever le rabat de la tente pour vous céder le passage où vous débarrasser de paquets trop lourds. Les seules fleurs qu’il ramenait étaient celles empoisonnées, utilisé pour imbiber la pointe de ses dagues.
« Les femmes veulent l’égalité ? On leur donne, ainsi qu’ tout l’merdier qui va de pair ! » C’était sa devise.
Perso ça me gênait pas. Il pouvait bien agacer mon ouïe avec ses propos réactionnaires où encore mon odorat avec sa manie de transpirer comme un sagouin, le reste de mes sens était comblé... Il n’est pas mort, je l’ai quitté pour Ecce. Ce dernier avait usé de ses charmes sur moi et j’étais tombée sous son emprise comme une abeille dans un pot de miel. Aujourd’hui le seul charme que je pouvais espérer de mon minou était un sourire carnassier et un regard vide. Quel gâchis ! Je l’aimais, comme peut aimer une femme rompue aux vices du combat.
Le soir des obsèques, les tavernes ont vibré du chant des guerriers. Pas un homme n’a fait défaut à cette coutume ancestrale. Depuis toujours, les survivants boivent en l’honneur de leur destin dont la fortune a su tromper la mort. Ironie du sort, beaucoup poussent jusqu’à l’ivresse ce rituel pour finir dans un coma fatal. L’alcool se déverse dans l’estomac en flot continu, les rixes se succèdent et les putains s’affairent à satisfaire tout le monde.
Notre guilde avait choisi la taverne du Mort. Un établissement crasseux mais qui garantissait, si nécessaire, un repli rapide pour les Tyndaliens de la guilde du fait de sa situation excentrée. La trêve entre les deux cités demeurait maintenue d’après le mage Olk, mais la prudence était de mise durant cette nuit d’excès et de folie.
Les trois cousins Manfriine, Romuluss et Gurre avaient déjà atteint un taux d’alcoolémie fatal pour toute personne normalement constituée. Chez eux les effets secondaires se cantonnaient à une démarche chaloupée et une élocution chaotique faite d’onomatopées.
« Raaaaa.... bzzzzz... York ! Neuuuu. Hooooo ? Hm hm hm. » A peu de choses près c’était ça. Ils enfilaient les bières comme une enfant enfile des perles et pariaient leurs soldes sur Kricket et Keelow. Depuis deux heures, les lutteurs, malgré la vilaine entaille de Kricket, enchainaient les bras de fer en prenant soin d’aplatir la main du perdant sur des débris de verre. Glauque me direz-vous ? Normal je vous répondrai pour des lutteurs.
Plus loin, le moustique et le buffle sirotaient à la paille une gnole douteuse dans laquelle flottait un ver aux vertus hallucinatoires. Une spécialité de la maison qu’eux seuls avaient voulu gouter. Le patron n’avait semble-t-il pas menti car les deux lascars par moment se mettaient à caqueter en agitant vivement leur bras pour s’envoler. Les lois de la nature étant ce qu’elles sont, leur échec s’ensuivait d’un « Coyt Coyt ! Quelqu’un m’a plumé ! Coyyyyyt !!! »
Au fond de la salle, à l’abri des regards, le chef et sa femme surveillaient d’un œil vitreux leurs ouailles, c'est-à-dire nous, tout en dégustant un cocktail dont seule Eternia avait le secret. Drata et Rando, boudaient devant leur limonade, unique boisson autorisé par leur oncle.
Accoudé au comptoir, un verre de vinasse à peine entamé, Loistic se répandait en élucubrations scientistes devant un auditoire pour le moins inattentif. Son élève Popy, entre deux traductions, plongeait goulument ses lèvres dans une pinte de bière plus grosse que le mamelon d’une ogresse, et en ressortait une barbe de grand-père fraichement moussée.
Sur la terrasse les amoureux Senseï et Iberia s’amusaient à « viens boire dans mon gosier ». Un jeu de leur cru... Senseï prenait une gorgée de pinakoalak puis abreuvait sa compagne en l’embrassant passionnément et inversement. Quand ils étaient fatigués de boire, les amoureux se dévoraient des yeux en se murmurant « Je t’ai déjà dit je t’aime ? » « Non. » « Je t’aime... » « Ça tombe bien moi aussi... » S’ensuivait une série de caresses et de baisers à rendre jaloux le plus endurci des célibataires. Le romantisme c’est pas mon truc mais j’dois admettre qu’ils défendaient drôlement bien les vertus d’ la sensibilité.
Aurel quant à lui s’la jouait pacha. Depuis qu’il était passé maitre soigneur les infirmières de la guilde, Piouz, Advilla et Snios papillonnaient des paupières dès qu’il se mettait à fredonner. Affalé sur un gros pouf, il se laissait aller entre les doigts experts qui lui massaient la tête à tour de rôle. Elles se chamaillaient lorsque l’une d’elle monopolisait trop longtemps la tignasse blonde de leur idole.
« Allons, allons mesdemoiselles, nous avons la nuit devant nous... Ce matin, 3000 enrôlés, grève des maitres bouchers, embouteillage et pollution pour Tynda agglomération. Ce matin, Honoriusl est mort, on en fera du purin, 2 clochards retrouvés clamsés près d’la rivière Kokolié. Ce matin, mon CAC a du succès, 4 monstres de moins à dépecer, 10 civils de tués à Unkut dans les bras sanglants du Titan. Toi et moi, dans tout ça, on n'apparait pas, On se contente d'être là, on s'aime et puis voilà on s'aime.... »
La nuit s’annonçait mouvementée mais rien d’incontrôlable pour Hastur... Une pelle posée sur la table, il était prêt à donner quelques coups si nécessaire... Seulement voilà.... Il s’est passé un truc que personne n’aurait pu prévoir... Le genre d’événement inenvisageable tellement les probabilités sont faibles... Son frère ainé Oldgrine a débarqué avec sa troupe de mercenaires, le lutteur Ts - abréviation de Tueur Sanguinaire-, un type à la réputation de brute épaisse et sans âme, la lutteuse Raidbauty une ancienne prostituée qui prenait un malin plaisir à égorger ses clients durant l’orgasme et Helhel une toubib accusée de trafic d’organes, sous son air angélique, elle tapait aux portes des familles les plus pauvres du royaume, proposant de prendre en charge un des mouflets pour en faire un médecin... le gamin rentrait chez lui quelques mois plus tard, un rein, un œil, un poumon en moins sans la moindre notion de médecine. Pour Hastur, Old n’était plus son frangin depuis belle lurette, la honte de la famille disait-il. La dernière fois qu’ils s’étaient vus, c’était par hasard sur un champ de bataille, Old et sa clique bossaient pour l’ennemi et il en avait fallu de peu que notre chef y reste.... C’est pas qu’Old ait voulu le buter mais dans le feu d’l’action, il n’a pas fait gaffe et notre vieux s’est retrouvé avec une barbe cramoisie.
Bon sang, cette nuit allait être à classer dans les annales de l’enfer !!!!
Pourquoi je me répands dans ces élucubrations philosoporifiques ? Sans doute pour me convaincre d’ignorer ma douleur... Je m’appelle Eriaka, scribe à ses heures mais avant tout guerrier endurci ! Ecce-Deus n’était pas mon premier mari, il y eut le lutteur Dark-Illusion, un mâle comme on aime en avoir dans son lit, invalide de la rhétorique mais expert pour les travaux manuels. Il savait m’entrainer dans des ébats immodérés qu’une femme mariée peut rarement prétendre connaitre. Bien sur en tant qu’homme (j’entends par là un mâle au sexe saillant) il était loin d’être parfait. La galanterie n’était pas son fort, pas du genre à soulever le rabat de la tente pour vous céder le passage où vous débarrasser de paquets trop lourds. Les seules fleurs qu’il ramenait étaient celles empoisonnées, utilisé pour imbiber la pointe de ses dagues.
« Les femmes veulent l’égalité ? On leur donne, ainsi qu’ tout l’merdier qui va de pair ! » C’était sa devise.
Perso ça me gênait pas. Il pouvait bien agacer mon ouïe avec ses propos réactionnaires où encore mon odorat avec sa manie de transpirer comme un sagouin, le reste de mes sens était comblé... Il n’est pas mort, je l’ai quitté pour Ecce. Ce dernier avait usé de ses charmes sur moi et j’étais tombée sous son emprise comme une abeille dans un pot de miel. Aujourd’hui le seul charme que je pouvais espérer de mon minou était un sourire carnassier et un regard vide. Quel gâchis ! Je l’aimais, comme peut aimer une femme rompue aux vices du combat.
Le soir des obsèques, les tavernes ont vibré du chant des guerriers. Pas un homme n’a fait défaut à cette coutume ancestrale. Depuis toujours, les survivants boivent en l’honneur de leur destin dont la fortune a su tromper la mort. Ironie du sort, beaucoup poussent jusqu’à l’ivresse ce rituel pour finir dans un coma fatal. L’alcool se déverse dans l’estomac en flot continu, les rixes se succèdent et les putains s’affairent à satisfaire tout le monde.
Notre guilde avait choisi la taverne du Mort. Un établissement crasseux mais qui garantissait, si nécessaire, un repli rapide pour les Tyndaliens de la guilde du fait de sa situation excentrée. La trêve entre les deux cités demeurait maintenue d’après le mage Olk, mais la prudence était de mise durant cette nuit d’excès et de folie.
Les trois cousins Manfriine, Romuluss et Gurre avaient déjà atteint un taux d’alcoolémie fatal pour toute personne normalement constituée. Chez eux les effets secondaires se cantonnaient à une démarche chaloupée et une élocution chaotique faite d’onomatopées.
« Raaaaa.... bzzzzz... York ! Neuuuu. Hooooo ? Hm hm hm. » A peu de choses près c’était ça. Ils enfilaient les bières comme une enfant enfile des perles et pariaient leurs soldes sur Kricket et Keelow. Depuis deux heures, les lutteurs, malgré la vilaine entaille de Kricket, enchainaient les bras de fer en prenant soin d’aplatir la main du perdant sur des débris de verre. Glauque me direz-vous ? Normal je vous répondrai pour des lutteurs.
Plus loin, le moustique et le buffle sirotaient à la paille une gnole douteuse dans laquelle flottait un ver aux vertus hallucinatoires. Une spécialité de la maison qu’eux seuls avaient voulu gouter. Le patron n’avait semble-t-il pas menti car les deux lascars par moment se mettaient à caqueter en agitant vivement leur bras pour s’envoler. Les lois de la nature étant ce qu’elles sont, leur échec s’ensuivait d’un « Coyt Coyt ! Quelqu’un m’a plumé ! Coyyyyyt !!! »
Au fond de la salle, à l’abri des regards, le chef et sa femme surveillaient d’un œil vitreux leurs ouailles, c'est-à-dire nous, tout en dégustant un cocktail dont seule Eternia avait le secret. Drata et Rando, boudaient devant leur limonade, unique boisson autorisé par leur oncle.
Accoudé au comptoir, un verre de vinasse à peine entamé, Loistic se répandait en élucubrations scientistes devant un auditoire pour le moins inattentif. Son élève Popy, entre deux traductions, plongeait goulument ses lèvres dans une pinte de bière plus grosse que le mamelon d’une ogresse, et en ressortait une barbe de grand-père fraichement moussée.
Sur la terrasse les amoureux Senseï et Iberia s’amusaient à « viens boire dans mon gosier ». Un jeu de leur cru... Senseï prenait une gorgée de pinakoalak puis abreuvait sa compagne en l’embrassant passionnément et inversement. Quand ils étaient fatigués de boire, les amoureux se dévoraient des yeux en se murmurant « Je t’ai déjà dit je t’aime ? » « Non. » « Je t’aime... » « Ça tombe bien moi aussi... » S’ensuivait une série de caresses et de baisers à rendre jaloux le plus endurci des célibataires. Le romantisme c’est pas mon truc mais j’dois admettre qu’ils défendaient drôlement bien les vertus d’ la sensibilité.
Aurel quant à lui s’la jouait pacha. Depuis qu’il était passé maitre soigneur les infirmières de la guilde, Piouz, Advilla et Snios papillonnaient des paupières dès qu’il se mettait à fredonner. Affalé sur un gros pouf, il se laissait aller entre les doigts experts qui lui massaient la tête à tour de rôle. Elles se chamaillaient lorsque l’une d’elle monopolisait trop longtemps la tignasse blonde de leur idole.
« Allons, allons mesdemoiselles, nous avons la nuit devant nous... Ce matin, 3000 enrôlés, grève des maitres bouchers, embouteillage et pollution pour Tynda agglomération. Ce matin, Honoriusl est mort, on en fera du purin, 2 clochards retrouvés clamsés près d’la rivière Kokolié. Ce matin, mon CAC a du succès, 4 monstres de moins à dépecer, 10 civils de tués à Unkut dans les bras sanglants du Titan. Toi et moi, dans tout ça, on n'apparait pas, On se contente d'être là, on s'aime et puis voilà on s'aime.... »
La nuit s’annonçait mouvementée mais rien d’incontrôlable pour Hastur... Une pelle posée sur la table, il était prêt à donner quelques coups si nécessaire... Seulement voilà.... Il s’est passé un truc que personne n’aurait pu prévoir... Le genre d’événement inenvisageable tellement les probabilités sont faibles... Son frère ainé Oldgrine a débarqué avec sa troupe de mercenaires, le lutteur Ts - abréviation de Tueur Sanguinaire-, un type à la réputation de brute épaisse et sans âme, la lutteuse Raidbauty une ancienne prostituée qui prenait un malin plaisir à égorger ses clients durant l’orgasme et Helhel une toubib accusée de trafic d’organes, sous son air angélique, elle tapait aux portes des familles les plus pauvres du royaume, proposant de prendre en charge un des mouflets pour en faire un médecin... le gamin rentrait chez lui quelques mois plus tard, un rein, un œil, un poumon en moins sans la moindre notion de médecine. Pour Hastur, Old n’était plus son frangin depuis belle lurette, la honte de la famille disait-il. La dernière fois qu’ils s’étaient vus, c’était par hasard sur un champ de bataille, Old et sa clique bossaient pour l’ennemi et il en avait fallu de peu que notre chef y reste.... C’est pas qu’Old ait voulu le buter mais dans le feu d’l’action, il n’a pas fait gaffe et notre vieux s’est retrouvé avec une barbe cramoisie.
Bon sang, cette nuit allait être à classer dans les annales de l’enfer !!!!